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Son frère (c) D.R. SON FRERE
de Patrice Chéreau
Par Philippe DUSSOL


SYNOPSIS : Ils sont frères mais n’avaient plus rien à se dire depuis bien longtemps. Pourtant quand Thomas annonce à Luc qu’il est gravement malade, ils se retrouvent.

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L’OMBRE ET LA LUMIERE

  Son frère (c) D.R.
De Balzac (on pense, entre autres, à la jaunisse, élément déterminant du Cousin Pons) à Hervé Guibert (toute son œuvre, pas seulement les derniers écrits) la maladie, son cortège de mystères, d’effrois, de douleurs sont inscrits dans notre littérature.

Son frère de Philippe Besson, chronique imaginaire des derniers mois d’un incurable, est un texte précieux. Grâce à ce récit, son auteur semble être parvenu à une sorte de maturité. Il s’est libéré, en tout cas, de nombreux défauts : emphase, propension à utiliser des clichés, didactisme, tels qu’on les trouve dans son premier livre En l’absence des hommes. Tout ce que Patrice Chéreau, en adaptant Son frère pour la télévision, malheureusement, n’a pas su éviter.

J’ignorais qu’on pouvait mourir en été. Je croyais que la mort survenait en hiver, qu’il lui fallait le froid, la grisaille, une sorte de désolation. Je découvre qu’elle peut exercer sa besogne en plein soleil, en pleine lumière… Le texte de Besson, grave, n’est que clarté. La luminosité foudroie son récit. Que reste-t-il de cette agonie surexposée, de cette brûlure des âmes, filmées par Chéreau ?

Son frère (c) D.R.
Chéreau, créateur pugnace, courageux a éliminé ou transformé les éléments romanesques de l’ouvrage, privilégié, en quelque sorte, ses ressorts dramatiques (la part de l’ombre). C’est son droit. La ressemblance physique frappante des deux protagonistes principaux a disparu, leur histoire (leur profession, leur identité, leur passé commun, leurs amours) a été entièrement remodelée. Les personnages gravitant autour d’eux, souvent, ne sont plus que des pièces rapportées. La chute a été revisitée.

Son “ appropriation ” du milieu hospitalier, un labyrinthe peuplé d’errants (corps médical, malades, confondus), témoigne d’une grande rigueur. Le trouble des deux frères (deux hommes réunis involontairement, confrontés au bon vouloir de la science, souffrant et s’épiant impuissants) est, en effet, parfois palpable. Mais sa mise en scène est poussive. Ses dialogues sont vains, attendus (on se surprend à regretter une histoire sans parole tant les mots, systématiquement, nuisent à ses plans).

…Aujourd’hui, il me semble que je me mettrais à genoux pour qu’on évoque encore une fois notre ressemblance. Et j’assumerais de n’être pas le préféré. Mais sans doute est-il trop tard. Sans doute a-t-il été trop tard, dès le commencement.