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Tous ces personnages se croisent et
se recroisent durant tout le film, le noyau dur de l’intrigue
les rapprochant toujours un peu plus. A cet égard le point
d’orgue du film est sans conteste la magnifique scène dans
laquelle Georges Valandray, sa femme, Arlette et Eric Thomson
chantent marchant tous d’un pas assuré et se croisent au milieu
d’une pièce remplie de miroirs dans lesquels ils se réfléchissent.
Ce méli-mélo si bien orchestré décrit parfaitement la situation
complexe à laquelle sont soumis les personnages et définit
en quelque sorte leurs trajectoires personnelles. Il en va
de même lorsqu’il s’agit pour le metteur en scène français
de filmer tous les protagonistes dans un même plan. Les regards
se dirigent dans une direction tandis que les discussions
vont dans une autre donnant ainsi à la scène une ambiguïté
dont le spectateur se délecte. La dramaturgie naît de la disposition
scénique qu’ont les personnages, Alain Resnais privilégiant
le plan d’ensemble.
On se rend compte alors qu’il y a beaucoup de non-dits et
les incessants apartés des personnages en regards face caméra
(comme pour nous mettre dans la confidence) dénoncent par-là
même à quel point ce milieu se révèle faux et fourbe. Pas
sur la bouche prend presque des accents chabroliens. Au
sein de la haute bourgeoisie, les faux-semblants sont constamment
présents et déclinés sous plusieurs formes. Gilberte se plaît
à changer de robes (son mari ne le remarque pas comme il ne
voit pas qu’elle fut en réalité mariée à Eric Thomson), la
même Gilberte répète une scène de théâtre avec le beau Charley
(Jalil Lespert) lui qui est déguisé en Zorro, alors que la
petite moustache de Georges ou les lunettes d’Eric semblent
parfaire des rôles pour le moins équivoques. Cette duplicité
va également s’incarner dans les décors. Le raffinement du
mobilier de la demeure des Valandray s’oppose par exemple
à l’aspect kitchissime du décor (cactus et palmiers en carton)
de la scène de théâtre aux couleurs vives et délurées. Le
grotesque atteint son apogée dans les successives chansons
qu’entonneront tour à tour les personnages.
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Pas sur la bouche est un vaudeville
où courbettes et jeu de dupes sont monnaie courante, où les
renversements de situation et autres quiproquos relèvent de
l’hypocrisie, un film traversé de part en part par l’esprit
de Raymond Queneau (le cinéaste français avait déjà mis en
scène la ballade humoristique du Chant du Styrène,
avec un commentaire en alexandrins de Queneau). Le plaisir
qu’Alain Resnais à épingler ces gens-là est alors semblable
au nôtre à la vision de ce film. Et même si Pas sur la
bouche ne peut prétendre surpasser des films comme Hiroshima
mon amour ou Je t’aime, je t’aime, il n’en demeure
pas moins une preuve supplémentaire et indiscutable que l’œuvre
d’Alain Resnais est l’une des plus importantes de l’histoire
du cinéma français.
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Titre : Pas sur la bouche
Réalisateur : Alain Resnais
Acteurs : Sabine Azéma,
Isabelle Nanty, Audrey Tautou, Pierre Arditi
Scénario : Alain Resnais
d'après une opérette d'A. Barde et M. Yvain
Photo : Renato Berta
Production : Arena Films
Distribution : Pathé Distribution
Sortie le : 03 Décembre
2003
Durée : 1h 55mn
Pays : France
Année : 2003
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