Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     


 

 

 

 

 
Oasis (c) D.R. OASIS
de Lee Chang-dong
Par Romain LE VERN


SYNOPSIS : A peine sorti de prison, Jong-Du, un délinquant récidiviste, se retrouve à nouveau au poste de police pour ne pas avoir payé une note de restaurant. Sa famille paie sa caution et le ramène à la maison. Il est bientôt embauché et logé par son frère aîné Jong-Il, qui tient un garage. Jong-Du a été incarcéré à la place de Jong-Il qui, en état d'ébriété, a écrasé un homme et pris la fuite. Voulant rendre visite à la famille du balayeur victime de l'accident pour lequel il a été arrêté, Jong-Du aperçoit la fille de ce dernier, Gong-Ju, qui souffre d'un grave handicap moteur. Bien que paralysée cérébrale, celle-ci est abandonnée par son frère, qui déménage en la laissant seule dans un modeste appartement, sous la surveillance de voisins. Fasciné par la jeune handicapée, Jong-Du lui rend visite en cachette...

....................................................................

ELLE ET LUI CONTRE LE RESTE DU MONDE

  Oasis (c) D.R.

Si le scénario de Oasis peut sembler incertain de ses intentions, c’est sans doute parce qu’il multiplie les hypothèses, joue sur les ellipses, glisse d’un terrain à l’autre sans jamais en élire un. Dans le fond, il suffit de prendre le film pour ce qu’il est, à savoir une histoire d’amour folle, démesurée, rédemptrice, impossible et simplement belle. Un sujet pareil peut faire très peur, mais le cinéaste a tout fait pour éviter les pièges qui lui tombaient sous le nez : refus de la dramatisation outrancière, absence de bons sentiments geignards, décapitation du démon larmoyant… Et pourtant, malgré un épurement absolu des scories qui font si souvent défaut aux mélos trop complaisants et tire larmes, le film émeut doublement par la force qu’il dégage. Sur un régime de plus de deux heures, le film se tient droit, ne faillit pas, et ne laisse place à aucune sensiblerie, à aucun voyeurisme.

De manière régulière, il y a une lutte incessante et implicite entre la légèreté et la douleur, l’onirisme et la réalité qui donne au film un rythme soutenu. Chaque scène est construite sur de discrets retournements : un mot ou un regard viennent toujours contredire l’apparente légèreté des situations, comme lors de cette séquence à la fois glaçante et hilarante où Jong-Du amène Gong-Ju à un anniversaire de famille.

Oasis (c) D.R.

Cette histoire d’amour entre un homme légèrement attardé mental et une femme handicapée physique sert à introduire les thèmes de la différence et de la difficulté de son acceptation (cf. toutes les scènes au restaurant). Ce sujet n’est pas nouveau. Il suffit de revoir l’intemporalité d’un Freaks (32) de Tod Browning pour s’en convaincre. Ici, les deux amants secrets vont être soumis au regard critique d’un entourage « normal », englué dans les préjugés et un cynisme dévastateur. Malgré leurs handicaps respectifs, les deux personnages vont trouver une alternative à ce monde qui les déconsidère et pense inconcevable que des gens anormaux éprouvent des sentiments. On les renverrait bien volontiers sur la séquence des sœurs siamoises dans Freaks où, lorsque l’une d’elles se faisait embrasser par son fiancé, l’autre ressentait la même sensation de plaisir.