Finalement, le réalisateur fait son In
the Mood for Love à lui et transforme une histoire simple
en un labyrinthe spatio-temporel complexe dans lequel plus
rien ni personne ne semble s’y trouver. Il multiplie les plans
serrés sur le visage et les parties du corps de ses acteurs
avec une sensualité et un érotisme charnels. C’est même lors
de cette belle (mais froide) scène de lit où deux amants se
donnent du plaisir qu’on se rend compte que le monde des personnages
est le reflet de leurs humeurs. Quand ils ne sont pas fâchés,
ils baignent dans le bonheur. Ce qui justifie alors un temps
clément et une luminosité extrême.
C’est dans cette ambivalence
entre le jour et la nuit, le blanc et le noir, la froideur
et la chaleur, le clair et le sombre que Reconstitution
tire ses meilleurs moments. Les accents oniriques («je
suis dans votre rêve, vous êtes le mien») ne servent qu’à
maintenir le suspense. Ce sont des digressions un peu artificielles,
mais elles parviennent à faire douter le spectateur sur ce
qu’il est en train de voir. Subtilement, Christoffer Boe passe
au hachoir les codes du film fantastique par l’intermédiaire
de dialogues, simples et prosaïques, et de mises en abyme
complexes à travers des formes artistiques variées comme la
photographie, la littérature et la magie. S’il contrôle les
rebondissements de son histoire, il se distingue également
par une maîtrise formelle (cadre, espace, profondeur de champ),
des idées farfelues mais répétitives (des plans géographiques
pour situer les personnages) et un style élégant.
|
 |
|
|
Au final, ce sont les personnages,
cadenassés dans un système pervers, qui sont les plus émouvants.
Par exemple, le personnage principal est un jouisseur qui
profite de son physique et de son charme pour coucher avec
des filles, les abandonner aussitôt et les rendre malheureuses.
A la suite d’un adultère, il va apprendre à ses dépens les
lois du désir amoureux et du déterminisme. Selon l’écrivain,
le mari cocu, l’amour est perçu de manière différente chez
les hommes et les femmes : pour les femmes, aimer n’est pas
une nécessité; pour les hommes, il s’impose comme un choix.
Sa distinction appuie sa propre conception de l’amour qui
se rapproche de l’hybris des tragédies grecques, à savoir
d’un amour à la fois fou et absolu. Trop pudique pour avouer
ses sentiments, il le fera par l’intermédiaire de la littérature.
C’est un exemple qui appuie la supériorité de l’écrit sur
l’oral dans le sens où l’écriture peut permettre à des gens
d’exprimer des sentiments qu’ils ne pourraient pas formuler
oralement.
 |
|
|
|
Il y a un vrai plaisir à
se perdre dans les méandres de cette intrigue qui simule la
noirceur pour retrouver la pureté des sentiments. En sortant
de la projection, on pense beaucoup au récent Swimming
Pool de François Ozon qui proposait le même genre de réflexion
et montrait les rapports troubles entre une artiste et son
œuvre d’art. C’est après tout ce que fait l’écrivain ici :
il implique des éléments de sa propre vie dans son récit quitte
à bousculer le parcours des personnages. Comme un marionnettiste
manipulerait des pantins, comme un magicien ferait tenir une
cigarette sans fils apparents…
 |
|
 |
|
Titre :
Reconstruction
Réalisateur :
Christoffer Boe
Scénariste :
Christoffer Boe, Mogens Rukov
Acteurs : Nikolaj Lie
Kaas, Maria Bonnevie, Krister Henriksson
Compositeur : Thomas
Knak
Directeur de la photographie
: Manuel Alberto Claro
Producteur : Tine Grew
Pfeiffer
Exportation/Distribution :
internationale Nordisk Film
Production : Nordisk
Film
Distribution : Equation
Sortie le : 03 Décembre
2003
Durée : 1h 30mn
Année : 2003
Pays : Danemark
|
|
|