SYNOPSIS:
Après la perte tragique de leur fils, Johnny et Sarah décident
de quitter l'Irlande, accompagnés de leurs deux fillettes. En
quête d'une vie nouvelle, ils s'installent à New York où leur
rencontre avec un artiste tourmenté changera leur existence
à jamais.
Sur le papier, In America, le
nouveau film du réalisateur Jim Sheridan (My Left Foot)
laisse suggérer le pire dans le registre du concentré pleurnichard
qui aligne les séquences tire-larmes et le misérabilisme crapoteux
qui enferme les personnages dans un système unilatéral... Surprise
: il n’en est rien. A l’écran, le résultat est fluide et léger
et, en dépit d’une thématique noire et douloureuse, se révèle
positif, touchant et plein d’espoir. L’immeuble dans lequel
les protagonistes cohabitent est un lieu où des vies brisées
se rassemblent : un homme malade qui tente de conjurer la maladie
en s’adonnant à l’art comme exutoire à la mort ; un couple irlandais
hanté par la perte d’un enfant ; des junkies qui ne savent plus
si ça vaut encore la peine de faire confiance en l’être humain.
En surface, tous les personnages tentent de donner une bonne
apparence pour qu’une forme d’harmonie règne, mais en profondeur,
ce sont des âmes meurtries, en manque d’affection et qui par
des supports artistiques (théâtre, peinture), tentent de donner
à nouveau du sens à leur vie. Tous possèdent des blessures souterraines
et complexes sur lesquelles le cinéaste n’insiste pas : la mère
qui ne s’est toujours remis de la mort de son fils, tout comme
le père, comédien paumé qui tente désespérément de s’en sortir
et qui n’arrive pas à ressortir ses émotions, sans doute parce
qu’il a perdu l’envie de vivre.
Dans une superbe dernière scène, il est
confronté de manière brutale au secret qui le ronge depuis trop
longtemps. Il ne peut se contrôler devant ses enfants et laisse
éclater sa tristesse trop longtemps contenue. Hantés par un
lourd souvenir commun, les parents tentent de former un couple
uni et robuste et font tout pour que leurs enfants aient une
bonne condition de vie. En revanche, si les adultes paraissent
sensibles, telles des poupées cassées, les enfants, eux, deux
fillettes adorables, sont mûris par l’expérience et deviennent
des parents pour leurs parents. Très tôt, elles ont été confrontées
à une situation adulte qu’elles ont dû gérer avec un mélange
de naïveté et de lucidité. Ce travail sur le deuil et sur les
meurtrissures souterraines, authentique exorcisme familial (le
scénario a été écrit par la famille Sheridan), peut rappeler
des souvenirs enfouis chez tout le monde et cette histoire a
priori minuscule distille une mélancolie envoûtante qui bouleverse
discrètement. Sobriété, simplicité, émotion : incontestablement,
un beau film.
Titre : In America Réalisateur : Jim Sheridan Scénaristes : Jim Sheridan,
Naomi Sheridan, Kirsten Sheridan Acteurs : Samantha Morton,
Paddy Considine, Sarah Bolger, Emma Bolger, Djimon
Hounsou Image : Declan Quinn Montage : Naomi Geraghty Décors : Mark Geraghty Production : Hell's Kitchen
Ltd, East of Harlem Sortie : 25 février 2004