Comme le titre l’indique on ne peut
plus clairement, le film s’emploie à traiter le capitalisme
sous un angle bien précis : sa capacité à vampiriser
les rapports humains, privés, pour les besoins de la machine.
En effet, c’est toute la force du film de montrer que ce système
ne produit pas seulement des choses (des marchandises) mais
aussi de l’humain, il fabrique un certain type d’homme. A
cet égard, il apparaît évident que Moutout a traité symboliquement
la relation entre Lucas sur Rénier comme celle d’un gourou
et de son disciple (impression renforcée par le regard perçant
et magnétique de Lucas). Rénier est littéralement fasciné,
envoûté par Lucas. Cette dimension sectaire sera corroborée
lors d’une scène finale, à la charge caricaturale assumée :
au cours du dîner d’entreprise de fin d’année, l’on voit les
convives reprendre à tue tête la devise lancée par le patron
de la boite « Work hard, play hard ».
Au fond, on est séduit par la démarche de Moutout, car finalement
peu de films, sur le sujet, sont aussi radicaux et virulents,
vont aussi loin dans la condamnation du système. Ici le capitalisme
néo-libéral apparaît comme une véritable machine de guerre
lancée contre l’humanité, corrupteur des cœurs et les corps.
Par ailleurs, le message de l’auteur est clair et net :
on ne peut participer aux commandes sans y perdre son âme.
Pas de demi-mesure : soit le personnage accepte le travail
et épouse les valeurs du système, soit il change de métier.
On en revient donc au dilemme moral
posé à X. Car Violence des échanges c’est aussi l’histoire
d’un personnage qui doit faire un choix. L’option choisie
par le scénario est l’inverse de celle de Ressources Humaines :
tragique et foncièrement pessimiste. Alors qu’à la fin du
film de Laurent Cantet, le personnage rejoignait héroïquement
le camp de la contestation sociale, ici, au contraire, notre
jeune consultant, au départ valeureux, adhère aux règles immorales
du jeu et devient un parfait rouage du système. En bref, il
renonce à être un héros, à réagir devant l’injustice comme
il le fait au début du film en secourant la jeune fille. C’est
que Moutout a choisi de dépeindre un personnage assez lisse
et sans grand caractère mais, du même coup, par cette façon
de montrer comment le capitalisme peut transformer n’importe
quel jeune homme sympathique en tueur social, la démonstration
n’en est que plus implacable.
Titre : Violence des échanges
en milieu tempéré Réalisateur :
Jean-Marc Moutout Scénariste :
Olivier Gorce, Jean-Marc Moutout Acteurs : Jérémie
Renier (Philippe Seigner), Laurent Lucas (Hugo
Paradis), Cylia Malki (Eva) Production :
TS Productions, France Distribution :
Les Films du Losange, France Date de sortie :
14 janvier 2004