POINT DE VUE
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Dans la géographie du cinéma mondial,
il existe des plaisirs que ne procurent que les films en
provenance de Corée du Sud. Il ne s’agit pas forcément des
films d’auteurs reconnus comme tels, tels Hang Sang-soo,
ou le plus sulfureux Kim Ki-duk, mais plutôt de la production
moyenne, les films de série, mais pas nécessairement enclos
dans un genre. Il y règne une inventivité tonale dans l’abord
des situations les plus extravagantes ou les plus brutales,
et une capacité enthousiasmante à débusquer des tabous non-dits,
des angoisses encore non identifiables comme telles et donc
vierges de toutes crispations moralisatrices. Et, sans doute
le plus important, un humour noir qui permet de rire de
tout - mais alors vraiment tout ! Peut-être, avec toutes
les précautions possibles, pourrait-on le comparer à la
vitalité du cinéma italien des années 60-70 : colérique
et revendicatif. Le grand vivier de sujets, mais c’est un
peu celui de nombreuses cinématographies de par le monde,
sont les errements du modèle libéral, capitaliste et individualiste.
Des valeurs qui heurtent et blessent une culture qui, au
vu de ses films, ne paraît pas vraiment formatée pour accueillir
paisiblement cette violence. Alors, dans leurs films de
série tout au moins, les réalisateurs sud-coréens jouent
au copiste de génie : avec art, ils s’approchent au
plus près du modèle hollywoodien contemporain, emprunte
son pompiérisme, se coule dans sa paranoïa, et sape soigneusement
de l’intérieur. Le prétexte le plus absurde, l’histoire
la plus improbable, se voit ainsi traiter avec le même professionnalisme
et le même sens du spectacle que le blockbuster attendu.
Pour une démonstration par l’exemple, une suggestion :
voir Matrix, puis The Resurrection of
the Little Match Girl. A la morgue grotesque du premier
répond point par point l’enjouement du second, qui envoie
valser en riant le fatras de l’Election pour satisfaire
nos envies barbares de savoir ce qui gît au bout de l’idée
du monde comme réalité virtuelle, où tout donc est permis.
Il y a dans ces films une prise de conscience libératrice
qu’au cinéma, tout est possible, tout est représentable,
aucun sujet n’est interdit : quelques Miike (Ichi
the Killer, un manifeste), d’autres films japonais
récents (un petit joyau nommé Suicide Club) sont
eux aussi parvenus à se souvenir de ça, mais ils sont rares.
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Donc, après avoir ri des râles d’une
cancéreuse et du trafic d’organes dans Sympathy
for Mister Vengeance, c’est de terrorisme dont il est
question dans Save the Green Planet ! Le « pitch »
à lui seul fait frémir d’aise. Un couple, persuadé que des
extra-terrestres en provenance d’Andromède sont parmi nous,
enlèvent l’un d’eux, directeur d’une multinationale, et
le mettent à la torture pour lui faire avouer son origine
et le plan d’invasion de ses congénères, afin de sauver
la planète Terre.
Nous ne sommes pas ici en présence d’un très bon film :
la clarté narrative n’est pas son fort, une sous-intrigue
policière confuse parasite et ralentit l’intrigue principale,
et parachute des personnages banals de policiers dévoués
dans un récit qui méritait sans doute plus de grandiloquence
encore. De même, la justification constante des motivations
du personnage du « sauveur » emprunte un peu trop
les voies de l’inconscient, ce qui par ricochets minimise
la portée politique de son geste : c’est sans doute
le plus grand tort du film, et qui fait hésiter sur la sincérité
de ses intentions contestataires. Le final espéré comme
incroyable déçoit également, les coups de théâtre à répétition
s’épuisant d’eux-mêmes. Ceci dit, il se déploie ici par
intermittences un tel désir de justice, une telle croyance
en la toute-puissance d’une histoire, même grossière, pour
donner à éprouver la barbarie contemporaine, la laideur
du mensonge et de l’égoïsme rapace, et la nécessité vitale
du combat contre ces maux, que l’on pardonne les maladresses
de ce premier film.
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Titre :
Save the green planet
Réalisateur
: Jang Jun-Hwan
Scénario
: JangHun-Hwan
Acteurs
: Shin Ha-Kyun, Baek Yoon-Sik, Hwang Jun-Min,
Lee Jae-Yong, Lee Juh-Yeon
Producteur
: Kim Sun-Ah, Sidus Corporation
Distribution
: CJ Entertainement
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