POINT DE VUE
|
 |
|
|
Une jeune femme blonde descend d’une
limousine. Elle est d’une beauté apprêtée, fantasme blanc
et mamelu au visage de poupée monté sur un corps qu’un spectateur
masculin prend plaisir à imaginer nue, et dans des poses obscènes.
Les spectatrices, elles, soupirent. Elle se met à marcher
pour une promenade estivale. The Stroll, descendant
russe « arty » des innocentes cochonneries de l’américain
Russ Meyer, nous la montrera donc tomber, s’accroupir, courir,
avec une délectation obsessionnelle pour les rebonds violents
de ses seins lourds qu’on imagine de lait. The Stroll
pourrait n’être que cela, la promenade - c’est mieux pour
filmer de profil - d’un fantasme pour adolescent dans une
grande ville élégante (Saint Petersbourg), et ce serait déjà
bien satisfaisant. Mais cette jeune femme est joueuse, et
deux garçons, chargés par le film de revêtir deux idées de
la masculinité, l’apprendront à leurs dépend en voulant la
séduire : de sexe il est ici à peine question, ce dont
l’on nous parle, c’est de séduction. Avec d’un côté son gentil
clown impulsif et un peu poète, de l’autre le misogyne entreprenant,
et au centre cette jeune femme appétissante et manipulatrice,
les ingrédients fondamentaux de la lutte sont réunis. Et porté
par la rigueur de ses comédiens et une absence saine de « moralité »,
le film propage ce frisson si particulier qui est en jeu dans
la séduction : conquête, obscure et confuse même entre
gens civilisés, où le scrupule n’a pas sa place.
Fatalitas, le film se résoudra dans une pirouette bien théâtrale,
avec jeux de manche et hystérie, alors qu’il avait su en éviter
les écueils tout au long du parcours de son triangle amoureux :
la tenue de l’ambiguïté des jeux de masques où chacun joue
à être plus, ou autre chose, qu’il n’est, méritait une conclusion
plus risquée, ce qui aurait été logique au vu des échappées
maîtrisées de The Stroll vers les contrées sans lois
des jeux amoureux. Un deus ex machina empêche
l’évidence, broie sauvagement la sincérité du personnage féminin
en quelques minutes, et préfère couper là dans la frustration
partagée : comme un sursaut de vanité masculine de la
part des créateurs ?
 |
|
|
|
Le film fut donné, durant le festival,
comme le pendant moderne et primesautier de L’Arche russe
de Sokourov : mais de plan-séquence, il n’est point ici
question, malgré les efforts déployés en « maquillage »
pour fluidifier la juxtaposition des plans cahotants tournées
en caméra portée, sans même parler de justesse dans un regard
porté sur la Russie contemporaine : là n’est pas le propos.
A moins qu’il y ait une « méta-signification » à
y voir réalisés des films aussi pleins de joie de vivre
et de plaire que celui-ci.
 |
|
Titre : The
Stroll / Progulka
Réalisateur
: Alexey Uchitel
Scénario :
Dunya Smirnova
Acteurs
: I. Pegova, Pavel Barshak, Evgeny Tsiganov, Evgeny
Grishkovets
Producteurs :
A. Uchitel, Rock Film Studio, Ministry of Culture
of the Russi
Durée
: 90 min
|
|