Petite leçon de savoir-vivre
est un court comme on n’en voit peu. Pascal Gontier a en effet
choisi de réaliser un film de genre. En France, qui dit film
de genre dit extrême rareté voire quasi-inexistence. Enfin,
cela dépend de quel genre vous parlez. Si vous parlez de comédie,
vous êtes face à une surpopulation chronique réclamant un rapide
malthusianisme sous peine de créer un trop plein vite lassant.
Si vous parlez de films d’horreur ou de polars, vous comprenez
mieux l’expression « espèce en voie de disparition ». Petite
leçon de savoir-vivre est donc un spécimen rare. Et plutôt
joli à voir ce qui ne gâte rien.
Tous les éléments d’un bon polar second
degré sont réunis. Le noir et blanc pour l’ambiance. Un café
très parigot pour décor. Des dialogues très travaillés, certainement
avec un San Antonio sous la main et Les Tontons flingueurs
sous les yeux. Des noms de personnages venus d’une autre époque :
Monsieur Bob, Jacquot le Craquant, Jojo la Flûte… Des acteurs
mettant la gomme côté cabotinage, frôlant le ridicule tout en
évitant de se laisser aller à l’exagération de trop. Bref, tout
ce qui faisait le charme de ces films devenus cultes où Lino
Ventura castagnait Bernard Blier, où Francis Blanche jouait
un rôle d’américain avec un accent allemand et surtout où les
pistolets silencieux sortaient des sons comiques.
Bien sûr, l’hommage reste en deçà de la référence, mais le film
de Pascal Gontier n’est pas écrasé par la comparaison ce qui
est le gros risque de ce type d’entreprise. Cette réussite revient
en partie à la présence incongrue de Bernard Menez dont le changement
de registre surprend agréablement. Il fallait savoir discerner
dans celui qui s’est rendu célèbre chez Rozier, Thomas ou Truffaut
un acteur capable d’interpréter un tueur à gages certes décalé
mais crédible. Et la réussite de la tentative souligne un aspect
souvent négligé du travail de réalisateur : savoir dénicher
l’acteur adéquat pour tel ou tel rôle.
Car Bernard Menez en total contre-emploi est savoureux. On sent
qu’il ne maîtrise pas vraiment la diction très particulière
qu’impose la gouaille de la racaille d’antan - en tout cas moins
qu’un Chris Egloff en pleine forme -, mais il arrive à créer
un personnage fascinant parce qu’évoluant entre la comédie et
la noirceur. Et d’ailleurs, son interprétation repose moins
sur un phrasé particulier que sur des attitudes. Ces clins d’œil
et autres mimiques permettent au film de ne pas tomber dans
un pâle photocopillage, mais de se diriger vers un univers propre.
La fin grand-guignolesque - Monsieur Bob est chargé par un mystérieux
Jojo la Flûte d’assassiner J.F.K - en est le meilleur exemple.
Petite leçon de savoir-vivre est un film noir, mais
pas noir comme la déprime, plutôt noir comme l’humour. Et si,
dans le genre, on peut préférer Heures Creuses de Sébastien
Sort parce que plus surréaliste, le film de Pascal Gontier fait
passer un agréable moment.
Titre : Petite
Leçon de savoir-vivre Réalisateur :
Pascal Gontier Scénario
: Pascal Gontier, Jean-Raoul Lacote Acteurs
: Bernard Menez, Chris Egloff, Nathalie Chastanier Image
: Thierry Taïeb Son
: Julien Sultan Montage
: Pascal Auclert Musique
: Robert Mouyren, Guérino Décors
: Anne Honeggen Production
: 21ème Productions Durée
: 9’