PRINTEMPS,
ETE, AUTOMNE,
HIVER ET PRINTEMPS de Kim KI-Duk
Par
Romain LE VERN
SYNOPSIS:
Au gré des saisons, dans un temple bouddhiste en bois lacustre,
un maître zen observe l’évolution de son disciple face à la
découverte de la vie : l’enfance et son lot d’ambiguïtés sombres,
la première relation sexuelle avec une demoiselle, la nature,
la destruction de soi et d’autrui, et le monde profane. Expérience
radicale qui cause au vécu de nous, les hommes. Mieux : de toute
notre vie. Coréen et universel.
Chantre de la rigueur spartiate des
plans, Kim Ki-Duk s’impose depuis quelque temps comme l’un
des cinéastes coréens les plus intéressants du moment. On
se souvient encore de notre émotion lors de la découverte,
il y a quatre ans, de L’île, superbe film érotico-fantastique
qui nageait dans les eaux troubles des fantasmes et de la
mythologie. Souvenez-vous : cela racontait les relations SM
de deux âmes (une femme mutique et un homme rongé par la culpabilité)
qui passaient leur temps à s’attendre au royaume des limbes,
dans des bungalows lacustres où les abysses semblaient en
interaction avec les terres. Kim Ki-Duk a depuis réalisé pléthore
de films (dix au total) et Printemps, été, automne…
est en réalité son neuvième. Ce n’est que son second à sortir
chez nous.
Si l’affiche d’icelui parait d’emblée plus pragmatique que
celle de L’île et donc moins attrayante (ce fond bleuté
où la jolie Hee-Jin, mi-femme, mi-créature, dans une pose
lascive, vous foudroie du regard), il n’en reste moins que
la facture reste la même. Le ton, en revanche, a changé. Ce
formaliste d’exception sud-coréen a toujours bricolé des fictions
intenses, violentes et rudes dans lesquelles ses obsessions
perso (les animaux, la mort, le mal, l‚image de la femme énigmatique…)
se confrontent et donnent lieu à des tohu-bohu filmiques extrêmement
stimulants (découvrir Bad Guy s’impose). Par exemple,
dans L’île, il mettait en scène un univers fantasmagorique
dans lequel la protagoniste était une sirène mutique, réceptacle
des frustrations masculines, objet de désir, qui animait un
monde de fantômes au cœur de l’origine du monde : le sexe
de la femme. Dans Printemps, été, automne, hiver et printemps,
son mirifique second long-métrage à sortir chez nous, on retrouve
cette même thématique poussée à son paroxysme (flics à la
recherche du meurtrier, nature polluée par les hommes, l’importance
de l’eau, le grotesque qui explose à tout bout de champ :
la queue d’un chat remplaçant les poissons sans les flancs),
avec cette fois-ci un point de vue nettement plus apaisé.
Comme si Kim Ki-Duk semblait tirer un trait et reluquer vers
de nouveaux horizons. Histoire de passer à une autre étape.
De l’apparemment insignifiant, naît
quelque chose d’infiniment grand. Chaque plan correspond à
un état d’âme, à un frisson érotique ou à l’ébauche d’un sentiment
diffus. Au gré des saisons, à travers ce rite d’apprentissage,
Kim Ki-Duk, ancien peintre, esthète raffiné, enregistre sous
la forme de sublimes tableaux symboliques et universels le
tumulte de deux corps qui s’électrisent, la crise passionnelle,
le châtiment et la rédemption d’un homme brisé ou le désir
qui embrase. Du grand art.
Titre : Printemps,
été, automne, hiver et printemps Réalisateur
: Kim Ki-Duk Scénariste
: Kim Ki-Duk Acteurs
: Oh Young-su, Kim Ki-duk, Young-Min Kim, Seo Jae-Kyung Production
: Pandora Film Distribution
: Pretty Pictures Sortie
: 14 avril 2004