POINT DE VUE
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La caméra de bois
s’ouvre et se ferme comme un conte, sur le récit de la jeune
sœur du héros. Cette narration n’est pas le seul détail qui
rapproche le film de la forme du conte. Le récit s’ouvre sur
un symbolisme clair, qui ne se démentira pas par la suite.
Deux adolescents découvrent en même temps un revolver et une
caméra. Il s se partagent le butin. Pour le premier, Sipho,
s’ouvre le monde des gangs et de la délinquance. Pour le second,
Madiba, celui de la création. A ces symbolismes s’adjoignent
assez logiquement un partage du monde assez manichéen. L’arme
renvoie au monde de la violence, et son pouvoir mortifère
agira à deux reprises. Au contraire, la caméra permet à Madiba
d’accéder au monde de l’art, et par là même d’échapper à la
délinquance. Ce monde binaire n’admet d’exception que l’amitié
profonde entre les deux enfants, bientôt mise à mal par la
divergence de leurs destins. Car, comme dans tout conte efficace,
le récit est initiatique, semé d’embûches et d’étapes.
Cette parfaite fermeture du récit peut sembler en décalage
avec un autre aspect du film, son ancrage profond dans la
réalité de l’Afrique du Sud après apartheid. Mais l’argument
du film, la caméra de bois, introduit une dualité au sein
du récit, et d’abord par l’image. Au premier récit, se superposent
les images tournées en numérique par Madiba. Le regard de
l’enfant se porte d’abord sur les gens qui l’entourent, le
township et ses événements quotidiens. Puis il découvre la
lumière, les formes et les couleurs. Ses films deviennent
presque expérimentaux. Il palpe l’image, s’interrogeant sur
sa nature, lui donnant une dimension poétique. Parallèlement,
il découvre le domaine de l’affection avec Estelle, jeune
blanche en rupture avec ses parents. Mais alors que Madiba
voit s’ouvrir un nouveau monde, celui-ci lui échappe. Il découvre
la distance qui le sépare de son amie, puis celle non moins
grande existant désormais entre Sipho et lui. La réalité du
township, de son père alcoolique, l’empêche de se réaliser
vraiment. Ce n’est qu’en enlevant à la caméra sa carapace
de bois qu’il parviendra à quitter un monde qui le freine.
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Malgré la réalité décrite, le film
ne tombe jamais dans le misérabilisme, choisissant le parti
pris de la création. Sont exaltées les forces vives des habitants
du township, comme à la fête où la musique transfigure la
dureté de la vie. De même, le professeur de musique introduit
une note positive dans cet univers violent. S’il est un guide
pour les jeunes musiciens, il ne fait que soutenir et encourager
Madiba dans sa vocation. Il joue le rôle d’un accoucheur envers
l’adolescent, visionnant ses films et lui procurant des cassettes.
Ainsi, La caméra de bois est un film optimiste. Et
quand on sait que Madiba est en Afrique du Sud le surnom de
Nelson Mandela, on comprend la portée symbolique du destin
du jeune héros. Et qu’il ne peut, historiquement, échouer.
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Titre : La Caméra de bois
Réalisateur : Ntshavheni
Wa Luruli
Scénariste : Yves
Buclet
Acteurs : Junior
Singo
Distribution internationale :
Fortissimo Films Sales, Pays-Bas
Production : Odelion
Productions, France
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