.jpg) |
|
|
|
Des plans,
des lieux reviennent souvent dans le film. Ce parti-pris
ne manifeste rien d’autre que la volonté de bien caractériser
les décors. Le premier plan du film montre une gargouille
sur un pont. On ne le sait pas encore, mais ce pont va
s’avérer être un lieu nécessaire au fonctionnement de l’histoire.
D’autres plans reviennent, comme celui subjectif de la vieille
dame arrivant dans la cave, regardant le gang feintant de
jouer de la musique, plan qui fait lui-même suite à un léger
travelling en contre-plongée sur elle et qui s’opère à chaque
fois qu’elle y entre. Tous ces plans récurrents, filmés
de la même manière, témoignent du souhait des réalisateurs
de bien ancrer l’histoire dans des lieux qui, plus le récit
avancera, nous paraîtront alors communs, voire familiers,
un peu comme dans les cartoons où, il est vrai, l’action
se réduit souvent sur un nombre limité de décors. De même,
le soin apporté aux cadrages donne l’impression que certains
plans sont tout droit sortis d’une bande dessinée.
Il en va de même s’agissant des personnages, principalement
des cinq bandits dont la caractérisation va atteindre des
sommets. Aucune unité dans le groupe, bien au contraire,
ici, chacun s’exprime comme il le veut, à tort et à travers.
Les singularités de chaque personnage ont trop souvent tendance
à prendre le pas sur l’objectif commun qu’ils se sont fixé.
Au sein du gang, chacun a sa fonction, chacun a sa spécialité.
On trouve ainsi un asiatique, un noir, et trois blancs.
Pour souligner ces particularités propres aux personnages
(tout comme dans le cartoon), les frères Coen les présentent
les uns après les autres dans une séquence privilégiant
moins le supposé sérieux requis pour un tel type de mission
que la drôlerie que ces bonhommes suscitent dans des scènes
banales de la vie quotidienne. Gawain est un jeune noir
un peu surexcité travaillant dans un casino et parlant de
façon grossière à coup de « fuck ». Le Général,
l’asiatique, est le propriétaire d’une petite épicerie.
Et quand il s’agit pour lui de se défendre face à deux braqueurs,
le moins que l’on puisse dire c’est qu’il fait preuve d’originalité !
Pancake, lui, est accessoiriste pour un spot publicitaire.
Il est maladroit et a des idées saugrenues sur le tournage,
comme par exemple faire porter un masque à gaz à un chien
qui est censé manger. Au sein du groupe, il tiendra néanmoins
le rôle d’artificier ! Puis il y a Lump, le jeune footballeur,
qui pendant le match où on le découvre ne va pas cesser
de se prendre des coups. Il sera bien entendu le benêt du
groupe, tout dans les bras, rien dans la cervelle. Devant
autant de disparités dans la bande, on a le sentiment que
tout peut très vite déraper, que ces cinq malfaiteurs n’atteindront
jamais leur but. S’instaure donc une appréhension que le
moindre faux-pas transformera aussitôt en gag.
|
.jpg) |
|
|
Mais étrangement
ces bandits n’échoueront pas où on le pense. Ce n’est qu’une
manière parmi tant d’autres de prendre le spectateur à rebrousse-poil
comme l’ont si souvent fait les frères Coen (ne serait-ce
que dans leur dernier film Intolérable Cruauté).
La truanderie chez les deux frangins a toujours eu des airs
de comédie macabre et l’on s’en réjouit. On espère que cela
continuera encore longtemps comme ça.