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Enfin un Ozon sans plans flottants,
sans atmosphère psychologisante lourdingue, sans effets
(de genre), sans intentions trop appuyées ! Enfin un
film qui coule, qui se laisse la liberté de ne rien dire,
quitte à se complaire dans l’impossibilité de dire. Cinq
fois deux, cinq moments à deux, de la fin au début de l’histoire,
pour comprendre, non pas nécessairement comment le couple
s’est formé, mais comment chacun de son côté a désiré l’autre,
puis l’a trompé, a hésité puis s’est éloigné. Il y a dans
la simplicité de ce scénario une indéniable efficacité :
le récit à l’envers, dès lors qu’il s’agit du couple, brouille
davantage qu’il n’explique, effleure des thèmes (la fidélité,
l’amour, le mythe du couple heureux) pour mieux les laisser
en suspend, permettre au personnage d’errer entre diverses
représentations de l’amour et du couple. Le film ne tranche
jamais entre ces représentations puisque chaque situation
revêt presque systématiquement un aspect grave et léger.
Chaque jour, un personnage entrevoit une fin, doute et laisse
ce doute s’emparer de lui sur un air romantique. Se servir
ainsi de vieilles chansons italiennes revient à pratiquer
un art du contrepoint facile mais bienvenu, un art susceptible
de rendre ce qui dans l’amour, comme dans le discours amoureux,
est duel voire contradictoire. Une autre dualité consiste
à recourir à deux focales distinctes et à jouer régulièrement
sur la distinction ou la confusion entre les personnages
et le décor. Ici l’homme, figé dans sa voiture, hésite à
rejoindre sa femme qui accouche. Son visage occupe les trois
quarts de l’écran tandis que dans le dernier quart une pluie
drue s’abat sur pare-brise. L’homme est seul face à lui-même,
plongé dans une sorte d’isolement qui exclut tout recours
à une chanson, un décor. Le flou au second plan cerne sa
figure qui, coupée de tout, bute sur le vide. Ailleurs,
les deux futurs mariés se dirigent vers l’eau, il n’y a
plus de perspective (la relation n’est plus mise en perspective) :
le couple est plongé dans le paysage, comme si celui-ci,
par ses allures de cartes postales (le soleil couchant sur
une mer d’huile), consacrait son union. Ce jeu d’aplat et
de perspective peut paraître facile et il l’est d’ailleurs,
mais il s’avère d’une grande efficacité pour explorer bon
nombre de thèmes afférents à l’amour : d’un côté la
solitude et la peur du vide, de l’autre le désir conscient
ou inconscient d’inscrire son histoire dans un récit.
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Cinq fois deux n’est pas une histoire
d’amour, c’est une histoire d’amour type, sans parti pris,
sans aspérités, et dans le même temps un objet qui colle
à l’air du temps, complexe et attachant, qui a la forme
de l’informe et qui, par là, parce qu’il peut tout dire,
parle à chacun.