RAREMENT UN FILM
AURA AUSSI BIEN PORTE SON TITRE
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Marc est un chanteur qui traîne son ennui
de ville en ville. Il fascine les vieux d’un hospice avec
ses standards et ses chansons ringardes; et surtout les
vieilles, émerveillées, qui se font des films et des fantasmes.
Puis, il prend la route, les photos cochonnes d’une infirmière
sexy (Brigitte Lahaie) en poche. Voguant vers de nouvelles
rencontres, de nouveaux horizons… Un soir, il se paume dans
une sorte de non man’s land nonsensique où plus rien ne
semble avoir de sens. En pleine nuit, l’artiste (Laurent
Lucas, admirablement déphasé) tombe sur un aubergiste (Jackie
Berroyer, impeccable) qui lui confie ne plus avoir reçu
personne depuis… la mort de sa femme. Un aubergiste apparemment
arriéré, sympathique (il semble avoir le cœur sur la main)
mais énigmatique (on ne sait pas si les mots qu’il prononce
collent à ce qu’il pense), dont l’hospitalité intrigue,
dont l’obséquiosité angoisse, dont le mystère incise. Une
nuit passe, rien n’a changé. Ou plutôt si, tout a changé.
Mais le protagoniste et nous autres, spectateurs, ne nous
en sommes pas rendus compte. C’est le début d’un long calvaire.
Un cauchemar qui va prendre des proportions inimaginables…
Sorte de croisement fantasmé entre les premières fictions
de Polanski (peur sourde, affects paranos), les classiques
du cinéma fantastique (incipit à la Carnival of souls)
et les survivals les plus gores (Massacre à la tronçonneuse),
Calvaire est un film certes pourvu de nombreuses
références, mais qui ne se contente heureusement pas de
réciter des leçons bien apprises. Sous le flot d’influences
explicites, percent une personnalité propre et un récit
imprévisible; sous l’ultraviolence spectaculaire, surgit
un romantisme tordu; sous le malaise ambiant, émane le rire
le plus gras.
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La grande réussite de cet objet singulier
qui furète dans tous les registres réside dans le fait qu’il
met mal à l’aise d’un bout à l’autre tout en déridant les
maxillaires, parfois dans un même fragment de scène; le
plus gênant étant que le spectateur ne sait pas s’il doit
rire, s’émouvoir ou s’effrayer des situations qu’il voit
à l’écran. C’est en cultivant cette ambiguïté que Fabrice
du Welz redouble l’efficacité de sa fiction, très jouissive
à une heure de standardisation extrême où le nivellement
par le bas et la débilitation sont usuellement de rigueur.
Une telle maîtrise formelle et une telle liberté de ton
sont rares pour un premier film. Quelque part entre le merveilleux
cauchemar et l’inquiétante étrangeté, un film formidable,
terrible, éprouvant, qui relève l’exploit – trop rare –
de rendre le spectateur aussi fou que ces personnages. Une
claque.
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Titre : Calvaire
Réalisateur : Fabrice
du Welz
Avec : Laurent
Lucas, jackie Berroyer, Brigitte Lahaie, Philippe
Nahon
Scénario : Fabrice du
Welz, Romain Protat
Photo : Benoît Debie
Musique : Vincent Cahay
Production : The Film
Distribution : Mars
Distribution
Durée : 1h 30mn - France
- 2004
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