La Goutte d'Or
n'est pas un bon film. Toute la seconde partie est même complètement
ratée. Quand Sarah Petit décide de “ disjoindre le son
et l'image ” pour créer “ un partage de territoire ”,
le résultat laisse quelque peu perplexe, pour ne pas dire
plus. Mais au cœur de cet échec subsiste une petite perle,
un plan qui imprime durablement la rétine. Il se situe au
début du film et paraît on ne peut plus banal. Une silhouette
masculine marche lentement dans une rue couverte par une avancée
d'immeuble donnant à l'ensemble un air de rue de Rivoli du
pauvre.
Ce plan est d'une beauté confondante. Ce qu'il montre n'est
pourtant pas d'une esthétique très conventionnelle. Ça n'a
pas grand-chose à voir avec le Paris de cartes postales. Et
c'est bien là d'ailleurs son intérêt. De l'eau de javel quelque
peu blanchâtre s'écoulant sur le trottoir, une lueur jaunâtre
embrassant le paysage si on peut appeler cela un paysage,
un léger contre-jour... Dans des temps où le regard est conditionné
à se vautrer dans le lisse et le propret, montrer la réalité
crue du quotidien électrochoque forcément le cerveau.
Dans ce plan magnifique, Sarah Petit réussissait à mettre
en image les buts cinématographiques qu'elle s'était fixés
avec La Goutte d'Or. S'appuyant sur la commande des
Films Hatari, elle souhaitait profiter de l'occasion pour
“ expérimenter une autre manière de faire du cinéma,
qui consiste, en définitive, à ne pas en faire : oublier plateau,
comédiens, éclairages, juste sortir de chez moi, traverser
le boulevard avec une caméra, enregistrer des plans du quartier
d'en face ”.
Malheureusement, ces envies
en sont restées au stade de vœux pieux. Après ce plan, la
caméra se perd dans des digressions loin d'être passionnantes.
Parfois, Sarah Petit arrive à fixer la Goutte d'Or dans l'espace,
à montrer ce quartier comme un lieu clos refermé sur lui-même,
son histoire, ses habitants. Mais ces moments sont trop rares,
trop courts. Pas abouti, mal monté, La Goutte d'Or
déçoit comme ces films dont on sait qu'ils auraient pu être
intéressants mais qui à l'arrivée ne le sont pas du tout.
Titre :La Goutte d'or Réalisation, montage :
Sarah Petit Producteurs délégués :
Michel Klein Jérôme Larcher Production : Les films
Hatari, ARTE, Le Deuxième Souffle Format : couleur, vidéo Année : 2003 Durée : 11 min