POINT DE VUE
C’est dans le Désert Rouge :
Monica Vitti raconte une histoire à son fils, avant que celui-ci
ne se couche. Il s’agit d’une petite fille qui joue au bord
d’un rivage, d’un voilier qui s’approche et de chants qui,
sans que leur origine soit déterminable, se font entendre.
Le voilier, après quelques instants, gagne le large sans que
les chants pour autant ne s’interrompent. Qui chante demande
alors l’enfant. Tout, répond Monica Vitti visiblement ailleurs,
tout. Ce qu’Antonioni fait dire à Monica Vitti, il le raconte
autrement en image, et révèle par là l’énigme du chant. Tout
chante, ces rochers aux textures de peau, cette mer éblouissante,
ce navire halluciné, tout dans l’image parle sans qu’il soit
nécessaire de dire un mot, ni même d’y déceler un sens.
Il Dono procède intimement
de ce type de cinéma, qui occulte la parole et lorsqu’il
y a parole, les sous-titre, évacue l’histoire au profit
de l’observation et escamote les rythmes pour laisser à
la durée sa chance : en un mot un cinéma profondément
bazinien, mieux phénoménologique, dans lequel l’homme se
retrouve à égalité avec son environnement, où le premier
est plongé dans le second, paradoxalement libéré. Aucun
événement ne préside à cette libération, le film investit
d’emblée un monde de phénomènes dans lequel les corps comme
les objets se découvrent le droit d’exister pareillement.