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Il Dono (c) D.R. IL DONO
de Michelangelo Frammartino
Par Matthieu CHEREAU


SYNOPSIS  : Il dono suit le quotidien d'un village de Calabre, qui comptait quelques milliers d'occupants, mais aujourd'hui n'en abrite plus qu'une poignée : ses habitants semblent attendre simplement que le temps passe, dans une indifférente fuite des heures. Un vieil homme vit seul dans une ferme. Il est subitement confronté à la modernité le jour où deux ouvriers oublient chez lui un téléphone portable, ainsi qu'une photo pornographique téléchargée sur internet... Une jeune fille qu'on croit prise par quelque démon offre son joli corps aux assauts sans tendresse des automobilistes qui la prennent en stop... Une boutique ouvre tous les jours ses rideaux sans avoir de clients... Les gamins jouent avec un ballon, qui finit par dévaler les pentes du village...

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POINT DE VUE

  Il Dono (c) D.R.

C’est dans le Désert Rouge : Monica Vitti raconte une histoire à son fils, avant que celui-ci ne se couche. Il s’agit d’une petite fille qui joue au bord d’un rivage, d’un voilier qui s’approche et de chants qui, sans que leur origine soit déterminable, se font entendre. Le voilier, après quelques instants, gagne le large sans que les chants pour autant ne s’interrompent. Qui chante demande alors l’enfant. Tout, répond Monica Vitti visiblement ailleurs, tout. Ce qu’Antonioni fait dire à Monica Vitti, il le raconte autrement en image, et révèle par là l’énigme du chant. Tout chante, ces rochers aux textures de peau, cette mer éblouissante, ce navire halluciné, tout dans l’image parle sans qu’il soit nécessaire de dire un mot, ni même d’y déceler un sens.

Il Dono procède intimement de ce type de cinéma, qui occulte la parole et lorsqu’il y a parole, les sous-titre, évacue l’histoire au profit de l’observation et escamote les rythmes pour laisser à la durée sa chance : en un mot un cinéma profondément bazinien, mieux phénoménologique, dans lequel l’homme se retrouve à égalité avec son environnement, où le premier est plongé dans le second, paradoxalement libéré. Aucun événement ne préside à cette libération, le film investit d’emblée un monde de phénomènes dans lequel les corps comme les objets se découvrent le droit d’exister pareillement.