La confiance règne, c’est l’histoire
de la femme aux petits seins (Chrystèle) et de l’homme qui puait
des pieds (Christophe). Deux êtres simples et simplets qui ne
faisaient confiance à personne, et qui ô surprise, finissent
par se taper dedans sur le quai d’une gare. La collision des
deux fuyards (ils viennent de voler leurs patrons respectifs)
produit une association de malfaiteurs à la petite semaine,
deux Robins des bois qui voleraient les riches pour ne donner
qu’à eux-mêmes. Eloge de l’individualisme. Pas de doute, le
nouveau film d’Etienne Chatiliez est bien dans l’air du temps.
Enfin, pas tout à fait, car même si le cinéaste fourbit toujours
ses armes de gros calibre à travers les situations, les répliques
et surtout la manière dont il dépeint ses personnages, il n’est
pas cynique. La France de Chatiliez, depuis 1989 et La vie
est un long fleuve tranquille, c’est cette opposition bon
enfant entre des bourgeois pépères parfois bohèmes dont il se
gausse volontiers, et des pauvres, qui même s’ils sont souvent
condamnés à le rester, ne sont pourtant pas filmés avec mépris.
« Je serai toujours le bourgeois des pauvres et le gauchiste
des bourgeois » répète volontiers Chatiliez, qui, on
a très souvent tendance à l’oublier, ancre souvent ses histoires
dans la société pour mieux les raconter sous une forme légère
qui emprunte souvent à la bande dessinée ou au cartoon. Il faut
voir ainsi la manière très singulière dont Christophe sautille
dans les rues et les gares tel un Marsupilami incontrôlable,
sur la musique appropriée de Matthew Herbert.
L’une des forces du cinéma de Chatiliez, c’est d’ailleurs son
travail avec les acteurs. On se souvient de la métamorphose
de Sabine Azéma en femme hystérique dans Le bonheur est dans
le pré ou Tanguy. Ici, Cécile de France invente en
permanence (accent, démarches, gestuelle, etc). Lindon, aussi,
fait sourire en idiot constamment éberlué, se frottant nerveusement
la poche arrière du pantalon, tout en roulant un peu trop souvent
ses yeux comme des billes à chaque fois que son personnage doit
jouer l’étonnement. Et puis il y a les acteurs secondaires,
tous formidables... De Martine Chevallier en Bovary vieillissante
noyant ses soucis dans l’alcool à Anne Brochet, véritable présence
émouvante...
L’autre force directrice de son cinéma,
c’est sa noirceur, sa méchanceté, son côté Scola (Affreux,
sales et méchants). Peu importe si ses personnages pètent
et rotent à tous les coins de plans, du moment que la comédie
est réjouissante. Dans La confiance règne, elle l’est
par moments, mais perd très vite de son intérêt. L’association
scénaristique de Laurent Chouchan (réalisateur du film Vertiges
de l’amour) et de Chatiliez était plus efficace dans Tanguy.
L’intrigue navigue un peu à vue (type le débarquement normand
providentiel d’une cargaison de cocaïne) avant de se répéter
et de s’enliser. Etonnamment (et on n’en dira pas plus), le
film se termine mal, cultivant un humour noir inattendu en guise
d’antidote à toute forme de pathos.
Titre : La
confiance règne Réalisateur
: Etienne Chatiliez Scénario
: Etienne Chatiliez, Laurent Chouchan Production
: Téléma productions, Les productions du champ poirier,
TPS Cinéma Image
: Philippe Welt Montage
: Catherine Renault Son
: Pierre Gamet, Stéphane Brunclair,Joel Rangon Acteurs :
Vincent Lindon, Cécile de France, Anne Brochet,
Eric Berger, Pierre Vernier, Jacques Boudet, Martine
Chevallier, etc. Année
: 2004 Pays
: France Durée
: 1h45