Après la rétrospective
du cinéma géorgien du centre Georges Pompidou
en 1988, les festivals de Montpellier, Pantin, Clermont-Ferrand
en 1995/96, on a pu découvrir enfin de manière
durable au studio des Ursulines à Paris, les courts métrages
de Mikhail Kobakhidzé.
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Dans les années 60,
ce cinéaste géorgien fut victime de la censure
soviétique pour avoir commis des films courts exaltant
effrontément une liberté alors inconnue. Cinq
courts métrages réalisés et puis s’en
va, aux premiers temps de l’ère glaciaire brejnevienne...Pourtant
rien de corrosif dans cette insouciance hormis cette liberté
proprement dite, qui se moque des clichés liés
à l’imagerie socialiste (l’uniformisation des taches,
l’aspect collectiviste opposée à l’individualisme
de ses personnages). Sujet principal de ses films, la relation
amoureuse entre deux jeunes gens, à construire ou à
préserver. Boy meets girl. Insultant pour les autorités
soviétiques de l’époque. On ne parle pas d’amour
monsieur, on travaille dans notre pays. Kobakhidzé
résiste, ce qui lui coûtera une carrière.
Dans Jeune Amour,
un couple se fait des blagues, l’époux se cache derrière
une armoire et observe les réactions de sa femme :
la plaisanterie utilisée pour éviter l’ennui
de la vie à deux. Le manège illustre le thème
de la rencontre tout en faisant intervenir le thème
du hasard : de jeunes gens se croisent, se parlent avant de
s’échapper l’un à l’autre. La noce est un conte
cruel où un jeune homme amoureux, décidé
à séduire la mère de la fille qu’il convoite
s’apercevoir de l’inutilité de ses efforts : la jeune
femme, promise à un autre homme, se marie... Désagrément
beaucoup plus insolite susceptible de déranger la tranquillité
d’une vie à deux : un parapluie ! Dans le film du même
nom, le pebroc noir vole dans les airs et perturbe un garde-barrière.
Ce film annonce le dernier court de Kobakhidzé : les
musiciens, réalisé en 1969, où la rivalité
amoureuse symbolisé par le parapluie dans le film précédent,
se matérialise cette fois sous la forme de personnages
jouant aux échecs dans un décor épuré,
neigeux ou sableux. Il serait facile d’évoquer Keaton,
Tati. Le mode est burlesque, le ton est ludique et le tout
est muet et sonore. Seulement, Kobakhidzé a sa propre
personnalité, son propre style privilégiant
une force chorégraphique grandissante que la vision
chronologique de ces courts métrages permet de constater.
Le parapluie volant devient finalement le prétexte
d’une comédie musicale burlesque aussi courte qu'intense
favorisant l’apparition d’une discrète poésie
(on entendra par ce terme si galvaudé un mélange
de légèreté et de gravité). Le
cinéaste géorgien fait confiance au pouvoir
narratif de limage, élimine toute parole, cisèle
sa bande-son, particulièrement dans les musiciens où
les deux rivaux se combattent à coups de violents bruits
musicaux, parlent le langage des oiseaux, mêle détonnantes
versions de qui a peur du grand méchant loup ou Carmen
à des chansons populaires, telle que les deux guitares
d’Aznavour, qui illustre avec bonheur les désillusions
du héros de la noce. Kobakhidzé investit totalement
le format du court métrage avec une jubilation et une
mécanique de précision impressionnantes. On
attend avec impatience son premier long métrage, qu’il
réalise aujourd’hui à 57 ans.
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1969
Les Musiciens avec Mikhail Kobakhidze, Guia
Avalichvili
1962 Carrousel
avec M. Kobakhidze, Natacha Zorina, Serguei Borodokine
1961 Jeune
Amour avec Mikhail Kobakhidze, Tania Gavrilov
1967
Le Parapluie avec Guia Avalichvili, Djana
Petraite, Ramaz Guiogobiani
1964
La Noce avec Nana Kavtaradze, Gogi Kavtaradze,
Baadour Tsouladze
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