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(c) D.R. PAUL CARPITA
Résurrection
Par Bernard PAYEN


Paul Carpita est un grand censuré de l’histoire du cinéma français, dont l’envie de faire des films fut muselée par le gouvernement de l’époque.


  Demain l'amour (c) D.R.
En 1953, il tourne à Marseille Le rendez-vous des quais, son premier long métrage inspiré d’une dure grève des dockers qui protestaient en 1950 contre l’envoi de matériel militaire en Indochine. Lors des premières projections, la police s’empare de la copie du film, dont l’interdiction d’exploitation est proclamée. Le film est déclaré détruit. On ne retrouvera sa trace qu'en 1990, dans les archives de Bois d'Arcy. Le film qu’on a appelé depuis le " chaînon manquant " de l’histoire du cinéma français, impressionne d'abord par son style caméra à l’épaule, qui tranchait véritablement à l’époque avec le courant réaliste poétique prédominant. Carpita mêle à ses images des reportages " contre-actualités ", réalisés sous l’égide du groupe Cinépax, qu’il fonda à la Libération. Le rendez-vous des quais a donc aussi cette vertu de témoignage documentaire sur le militantisme communiste des années d’après-guerre, Carpita l’humaniste s’intéressant avant tout à la vie quotidienne des petites gens, avec le regard attentif d’un amateur de cinéma enthousiaste.

Pendant les 40 ans qui ont suivi la disparition de son film, Carpita est redevenu instituteur et a continué à tourner de 1957 à 1970 une série de nouvelles cinématographiques dont la récréation, court métrage émouvant où un plombier, réparant une fuite d’eau dans l’école où il était enfant, se replonge dans ses souvenirs d’époque. Paul Carpita, hanté également par le passé, trouve enfin il y a quelques années, l’opportunité de pallier à ses frustrations de cinéaste et de réaliser un second long métrage, Les sables mouvants, aujourd’hui sorti en salles. Le scénario du film, bien qu'écrit dans les années 50, trouve un écho troublant dans la situation sociale contemporaine, dans une société honteuse de ses sans-papiers, creusant les inégalités. Dans la Camargue de 58, Manuel le personnage principal du film, se retrouve mêlé à un convoi de travailleurs espagnols saisonniers employés pour travailler dans des rizières. Il obtient bientôt la confiance de Roger, figure paternelle autoritaire qui cache ses origines immigrées, puis se lie d’amitié avec Mouloud, gentil garçon dont la tête ne tourne plus très rond et flirte avec Mado, encore bouleversée par le souvenir de ses parents, morts dans des sables mouvants.

Vers la lumière (c) D.R.
" Servir ce qui est devant l’objectif au lieu de le dominer, et ne jamais rendre la caméra plus importante que les gens ! " : ce credo signé Ken Loach s’applique immédiatement à Carpita dont il est évident qu’il ne faut pas attendre de sa part à des circonvolutions stylistiques pour parler de l’homme aujourd’hui, de son éventuel asservissement, de sa soumission comme de sa rébellion. Carpita filme à hauteur d’homme. Peut-être est-ce un défaut d’avoir cette foi absolue en l’humain, peut-être est-ce incroyablement naïf (certaines séquences de ses films paraissent il est vrai un peu désuètes), mais le cinéaste a pour lui sa sincérité d’artiste. Tout bêtement. Sa grande force est aussi de préférer le romanesque au didactique. Les sables mouvants apporte son lot de trahisons et de rebondissements. Mais l’amour reste chaste, le cinéaste pratiquant un cinéma désintéressé, considérant qu’une ballade innocente sur une plage entre deux amoureux qui ne se le disent pas, nous renseigne davantage sur la perception que l’on peut avoir de leur bonheur. Le scénario dessine des caractères nuancés et complexes, comme Roger, l’exploiteur roublard aussi détestable que sympathique dans son attachement à Manuel, un épisode comme celui du taureau pris en chasse par Manuel pour épater le promoteur cupide renseigne énormément sur les personnages en même temps qu’il est spectaculaire, constituant en soi un suspens (le danger d’être " encorné " par le taureau). Les sables mouvants est aujourd’hui un film ovni dans le cinéma français actuel, le regard de Carpita n’est évidemment pas celui beaucoup plus moderne d’un Karim Dridi, mais ce qui nous importe ici est le parcours d’un homme courageux qui garde toujours la foi en la puissance du cinéma pour véhiculer des idéaux et sensibiliser le spectateur.




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Paul Carpita
 : Site du fils de Paul Carpita sur son père




1946
Vers la lumière (docu)
1946 Rencontre jeunesse (docu)
1947 Nous voulons vivre (mm)
1948 Pour que nos joues soient toujours roses (cm)
1950 Bandes d'actualités (actualités)
1951 Je suis né à Berlin (mm)
1953 Le Rendez-vous des quais
1956 Rencontre à Varsovie (mm)
1958 La Récréation (cm)
1960 Marseille sans Soleil (cm)
1962 Demain l'amour (cm)
1964 Des lapins dans la tête (cm)
1964 Graines au vent (cm)
1966 La visite (cm)
1970 Adieu Jésus (poème cinématographique)
1972 Les fleurs de glai (cm)
1995 Les sables mouvants
2001 Les Homards de l'Utopie