Artisan prolifique
(52 réalisations) du cinéma de genre italien,
Lucio Fulci nous a quitté en 1996. Ce cinéaste
méconnu a rencontré son heure de gloire à
la fin des années 70, alors que le cinéma gore
envahissait les écrans européens. Sa notoriété
n'a pourtant jamais dépassé le cercle des amateurs
d'horreur. Il fut victime à la fois du désintérêt
du public pour les films sanglants et de la crise économique
qu'a connu le cinéma italien ces quinze dernières
années. Obligé à travailler directement
pour la vidéo ces dernières années, Fulci
n'a jamais eu la reconnaissance que mériterait son
cinéma singulier.
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Il faut préciser
que le style Fulci est difficile à appréhender
pour qui n'est pas un familier du cinéma bis. Car le
réalisateur s'est toujours attaché à
l'horreur pure évitant l'humour parodique (ce fameux
second degré cher aux années 90) ou les compromis
commerciaux. Travaillant obstinément une matière
impure (ses films sont tous extrêmement morbides et
violents), il a toujours injecté des éléments
horrifiques à ses séries B (westerns ou polars)
pour s'installer définitivement dans le gore au milieu
des années 60.
Cet intérêt
pour le cinéma d'horreur l'a amené a concentrer
son style sur la violence graphique et les ambiances troubles.
Cette tendance à l'outrance fait que parfois le visuel
ne suit plus. Certains effets grossiers filmés avec
un sérieux inflexible emmènent leurs scènes
à la lisière du ridicule et atténuent
considérablement l'efficacité de certains films
(peut-être qu'ils seraient insupportables sans cela).
De plus, Fulci ne tente jamais d'éclaircir des scénarios
souvent abscons. Il est alors facile de qualifier son oeuvre
de ringarde ou kitsch mais il a le mérite de ne pas
chercher la facilité et de favoriser comme cela la
participation du public. Malgré ces carences, Lucio
Fulci a pu compter sur des collaborateurs de talent, comme
Fabio Frizzi pour la musique (très belle), le chef
opérateur Sergio Salvati et le maquilleur Gianetto
de Rossi. Ils lui ont permis d'atteindre quelques sommets
au cours de sa carrière.
Il s'est ainsi retrouvé dans une zone incertaine entre
les maîtres du genre qui ont conquis l'ensemble des
cinéphiles (John Carpenter, Wes Craven, Dario Argento,
George Romero, Brian DePalma, David Cronenberg, Sam Raimi)
et les tâcherons du gore à l'italienne (Umberto
Lenzi, Ruggero Deodato, Lamberto Bava). A la différence
des premiers, Fulci ne cultive ni références
artistiques (comme Argento) ni théories scientifiques
(Cronenberg), ni diatribe politique (Carpenter). Il s'est
pourtant attaché à filmer des spectacles horribles
sur plus de vingt-cinq ans faisant fi des modes alors que
ses compatriotes tournaient indistinctement des westerns ou
des ersatz de Mad Max et Les dents de la mer.
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Ce qui a intéressé
Lucio Fulci c'est l'horreur elle même. Car aussi durs
que soient ses films, ils ne sont pas complaisants. Le voyeurisme
du spectateur n'est pas le principal intérêt
(mais fait tout de même partie du jeu, bien entendu).
Le gore n'est pas ici un simple racolage (contrairement à
Cannibal holocaust où Deodato ne vise qu'à
faire le film le plus malsain possible).
Ainsi, des films tels
que Non si sevizia un paperino (1972), L'Aldila
(1980) ou Quella villa accanto al cimitero (1981) soulèvent
des terreurs profondes. La plupart des films de Lucio Fulci
ont pour personnage récurrent un enfant confronté
à des événements monstrueux qui peuvent
venir de lui-même. Ce sont donc finalement d'étranges
et très crus contes de fée; et il pourrait être
passionnant d'envisager son œuvre par le biais de la psychanalyse.
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