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Terry Gilliam (c) D.R. TERRY GILLIAM
Le délire renié
Par François-Xavier LACAILLE


Film phare des défuntes 80's, Brazil a été un choc pour une génération de cinéphiles. Mais derrière cet incontestable film-culte, son auteur a subi une grande crise cinématographique.

  Brazil (c) D.R.

Spécialiste de l'animation chez les Monty Python, Terry Gilliam a décidé de se lancer dans un long métrage où il pourrait explorer une profondeur que le gag télévisuel lui interdisait. Cela aboutira à un chef doeuvre d'humour et d'émotion, quand Kafka revisite Blade Runner. Ce délire cauchemardesque fût d'autant plus difficile à réaliser que Gilliam subissait la pression constante et tyrannique de ses producteurs. Les pontes de la MGM n'appréciaient en effet pas ses visions créatives et le désespoir qui en émane. L'histoire donnera raison à Terry Gilliam qui imposera avec le temps une fin sombre et pessimiste.

Mais à quel prix ! En effet, le cinéaste ne s'est toujours pas remis de ce traumatisme. Il enchaîne ensuite trois films décevants où il tente maladroitement de dompter sa folie créatrice. Ces projets, ambitieux dans l'idée, furent des rendez-vous manqués.

A l'instar de Spielberg avec son navrant Hook, Gilliam rate sa rencontre avec Le Baron de Münchausen. Ce film reste étonnamment sage et statique, alors que le spectateur n'aurait pas dû pouvoir souffler. Il est exemplaire des stigmates post-Brazil. Le cinéaste n'a de cesse de calmer le jeu, de conformer les scènes entre elles, en bref de gommer ce qui faisait sa particularité. Le célèbre baron se prêtait bien à l'univers de l'ex-Monty Python, mais le scénario convenu nous ramène sans cesse sur une scène de théâtre. Le héros vieilli y compte ses aventures et tente de retrouver ses anciens compagnons tous également usés. La conclusion est la suivante : le baron est sympathique mais gâteux, ne croyons pas trop son imagination débordante. Adieu poésie et rêve, il ne reste plus qu'à contempler décors et costumes empesés.

L'Armée des 12 singes (c) D.R.

Après avoir raté cette adaptation qui ne semblait pouvoir être réalisée que par lui, Gilliam ne réussit pas plus sa rencontre avec Robin Williams. Cependant, Fisher king montre que le réalisateur est peut-être conscient du problème. Il y entreprend donc une sorte de psychanalyse. Dans lequel de ses deux héros se reconnaît il : l'animateur radio cynique et désabusé ou le joyeux illuminé noyé dans ses chimères ? En fait, on a plutôt l'impression d'assister à un conflit entre le Ça et le Surmoi du réalisateur. Robin Williams incarnerait la folie douce à laquelle Gilliam n'aurait pas totalement renoncé, et Jeff Bridges l'amertume qui l'envahit suite aux problèmes rencontrés sur Brazil. Cette opposition se conclura sur un statu quo : le malade sera réadapté à la société, et le cynique se laissera aller à des élans de fantaisie.

Cette conclusion est malheureusement faussée par un traitement formel assez terne. Finalement Gilliam met paresseusement en scène un scénario hollywoodien convenu dont la morale se rapproche de Dead poet's society: "profite du jour présent" mais reste sage.

Le cinéaste a laissé passer cinq ans avant de réaliser 12 monkeys. Ce dernier ne correspond pas à ce qu'on attendait. Dans le meilleur des cas ce suspens futuriste, adapté de La jetée de Chris Marker, aurait dû lui permettre de retrouver son sens du délire et du visuel flamboyant. Au pire, on pouvait craindre que Gilliam ne devienne qu'un sous-Spielberg ne vivant plus que sur sa réputation. En réalité, 12 monkeys poursuit la réflexion amorcée par Fisher king.