Evoquer la disparition soudaine d’un
acteur n’est probablement pas la manière la plus réjouissante
d’entamer la rédaction d’une nouvelle rubrique. Il aura
pourtant fallu que Richard Farnsworth décède le
6 octobre dernier pour que l’idée de cette colonne
germe dans mon esprit, tant les pensées se sont à
ce moment-là bousculées en moi, pensées
que j’ai soigneusement écartées, lorsque j’ai
composé la nécrologie de l’interprète de
The Straight Story, et que j’aimerais développer
ici.
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Roland In Lynchland
prendra la forme d’un journal intime lynchien. Avec un point
de vue forcément subjectif, le David Lynch’s Secret
Son y traitera de toutes les brèves et news qui
toucheront de près ou de loin David Lynch dans l’avenir.
Cette rubrique permettra donc à ceux qui apprécient
le travail du réalisateur américain de suivre
son actualité, mais ce sera aussi une rubrique extrêmement
personnelle, tant l’on peut difficilement se remettre de l’expérience
qui fut la mienne sur le tournage de Lost Highway. Analyser
et expliquer cette aventure est toujours pour moi une chose
malaisée et délicate, et étudier les
à-côtés de l’œuvre de David (permettez-moi
d’user d’un de mes rares privilèges en ce bas monde
en appelant David Lynch par son prénom…) contribuera
sans doute à une approche différente de cette
période de ma vie, pour mieux comprendre et expliquer
le passé à la lumière du présent.
7 octobre 2000, j’apprends
la mort brutale de Richard Farnsworth, et l’on me charge d’écrire
sa nécrologie. Nécrologie… Le terme même
est lugubre et sinistre. Première réaction,
je n’ai pas envie d’écrire de nécrologie, pour
rien au monde. Je ne connaissais pas personnellement Richard
Farnsworth, je ne l’ai même jamais rencontré,
mais son incarnation d’Alvin Straight dans le dernier film
de David fait qu’il appartient à mon monde. Je relis
la dépêche que l’on m’a fait parvenir, quelques
lignes brèves et sèches, muettes et froides.
Richard Farnsworth s’est suicidé avec un fusil… Un
suicide… Pourquoi ? Des réponses possibles affluent.
Il avait le sentiment d’être parvenu au bout du chemin ?
Il était retombé dans l’anonymat après
sa prestation remarquable ? Il savait qu’il n’obtiendrait
plus de rôle aussi poignant dans sa carrière ?
Il souhaitait partir à son apogée, au faîte
de la reconnaissance publique et critique ? La vérité
était tout autre, il était atteint d’un cancer
incurable…
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Quand un acteur vient de
mourir, on ne peut s’empêcher de repenser à des
séquences dans lesquelles il avait joué, et
ces scènes prennent quasiment une portée différente :
le personnage est bien vivant à l’écran, mais
l’acteur, lui, n’est plus, et pourtant, sans en être
étonné, nous le regardons évoluer devant
nos yeux. Ceci est encore plus apparent bien sûr au
sujet de The Straight Story , qui abordait de
front à de nombreuses reprises le thème de la
mort. The Straight Story ne sera plus jamais le même
à présent, même si dire cela est sans
doute d’une extrême banalité. Je me souviens
de répliques d’Alvin Straight : " I’m
gonna go back on the road and I’ve got to make this trip by
my own. ", ou " I wanna make peace,
I wanna sit with him, look up at the stars, like we use to
do, so long ago. " Mélancolie… A brother
is a brother…
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