Dès ses débuts au cinéma,
Chloë Sevigny fait figure d'enfant gâtée.
À l'époque, c'est en effet à la dernière
minute qu'elle hérite du premier rôle, dans le
désormais célèbre Kids de Larry
Clark, où elle interprète une adolescente à
la recherche du garçon qui lui a transmis le virus
HIV. En pleine décennie " sida ", le scénario
écrit par Harmony Korine met d'emblée les pieds
dans le plat. Scènes de sexe débridées,
consommation de drogues en tout genre, et virées en
skateboard sur les trottoirs de New-York : le constat est
froid, terrible. Pas de thèse à défendre
mais des adolescents décérébrés
et décadents, avec en prime, une insistante odeur de
mort au-dessus de toute cette jeunesse, celle du sida. Tollé
Outre-Atlantique, mais également en France, où
certains hebdomadaires à vocation culturelle (sic)
ne goûtent guère ce genre de divertissements
juvéniles. Mais pour un coup d'essai, c'est un coup
de maître, qui vaudra au film un passage remarqué
sur la Croisette, et à l'actrice, une nomination aux
Independant Spirit Awards.
Quoi qu'il en soit, Chloë Sévigny
vient de trouver sa famille. Une parenté déjà
entr'aperçue dans la musique quelque temps auparavant,
lorsqu'elle apparaît dans deux clips des Sonic Youth
et des Lemonheads, deux groupes appartenant à la
scène indépendante. Réfractaire au
business model du cinéma à la sauce hollywoodienne,
allergique au politiquement correct particulièrement
en vogue dans les années quatre-vingt-dix (aurait-il
disparu aujourd'hui ?), Chloë endosse ainsi l'habit
de celle qui a résolu de demeurer du côté
obscur de la force, à savoir le cinéma indépendant.
Aussi manichéen que cela puisse paraître, c'est
d'abord une question de conviction. Et d'amour du cinéma.
À ce sujet, elle déclare ainsi : " Je
ne serai jamais une star aux Etats-Unis et je ne le veux
surtout pas. Je choisis les scripts qui m'intéressent
et je n'irai jamais habiter à Hollywood ".
Mais à force d'être
en permanence cataloguée comme l'égérie
de l'underground américain, on finit tôt ou
tard par susciter des jalousies. Du coup, Chloë fait
de plus en plus la une des magazines, et devient l'icône
d'une certaine mode new-yorkaise. C'est l'arroseur arrosé.
Pour faire taire les mauvaises langues, elle choisit alors
de multiplier les tournages : Happy Hour , l'excellent
premier film de Steve Buscemi, Palmetto de Wolker
Schlöndorff, Les Derniers Jours du disco de
Whit Stillman, mais aussi Gummo, réalisé
par son ami Harmony Korine, une fresque originale des habitants
de Xenia dans l'Ohio, pour lequel elle signe également
les costumes. Plus récemment, elle apparaît
dans Une carte du monde de Scott Eliott, Julien
Donkey Boy, à nouveau réalisé par
Korine, et enfin Boys don't cry de Kimberley Pierce,
qui lui vaut une nomination pour l'Oscar de la meilleure
actrice. Enfin, elle participe à l'adaptation cinématographique
d'American Psycho, le célèbre roman
de Brett Easton Ellis, une critique au vitriol de la société
de consommation et de la jet-set. Un sujet qui lui est en
quelque sorte plutôt familier. La boucle est bouclée.
Aujourd'hui, le moins que l'on puisse
dire, c'est que le parcours cinématographique de
Chloë Sevigny a de quoi susciter les convoitises. D'autant
qu'elle semble, à 28 ans, vouloir accroître
le nombre de cordes à son art. Elle devrait ainsi
figurer dans le prochain film de Sydney Pollack, dans lequel
elle aura pour partenaires Juliette Binoche, Vanessa Redgrave
et Benicio del Toro, ainsi que dans celui d'Olivier Assayas
avec Charles Berling, pour lequel elle a carrément
appris le français. De là à la voir
entamer une nouvelle carrière dans l'hexagone, il
n'y a qu'un pas
2003Dogville
de Lars von Trier 2002Demon Lover
de Olivier Assayas 2000American Psycho
de Mary Harron 1999 Boys Don't
Cry de Kimberly Peirce 1999Julien Donkey-Boy
de Harmony Korine 1998 Les Derniers
Jours du disco de Whit Stillman 1997 Gummo
de Harmony Korine 1996Happy Hour
de Steve Buscemi