Entretien
réalisé en 2000 à Paris
Par Bernard PAYEN
Dans un café proche de la gare
Montparnasse, en juin 2000, Bruno Nuytten nous a accordé
un entretien, alors que son beau film "Passionnément"
(troisième long métrage), resté au placard
pendant un an, sortait sur les écrans avant d'en disparaître
injustement quasi aussitôt.
Le retour sur l'itinéraire de cet
ancien chef-opérateur devenu réalisateur, l'autopsie
d'un film sacrifié, Jean-Luc Godard et Détective,
Camille Claudel et Isabelle Adjani, sont quelques-uns des
sujets abordés lors de cette rencontre.
Objectif Cinéma :Quelle
a été votre formation ?
Bruno Nuytten : Au
départ je souhaitais être dessinateur humoristique.
J'ai préparé le concours des Arts-Décos
et je l'ai raté. J'ai préparé l'IDHEC
comme technicien, je l'ai manqué aussi. J'ai voulu
faire ensuite l'école de Lodz en Pologne mais il
fallait apprendre le polonais pendant trois ou cinq mois
avant de pouvoir se présenter au concours d'entrée.
J'ai même voulu faire une école qui n'existe
pas : j'avais lu dans le dictionnaire Sadoul qu'existait
l'école de Brighton en Angleterre. En fait c'était
pour évoquer trois cinéastes muets qui avaient
tourné quelques plans à Brighton ! Quand j'ai
appelé la municipalité de Brighton, ils n'avaient
jamais entendu parler de cinéma ou de cinéastes
à Brighton ! Mais c'est peut-être l'école
que j'aurais préféré faire à
vrai dire !
Je suis entré finalement à l'INSAS en Belgique
qui venait d'ouvrir ses portes sur le modèle de Lodz.
Là-bas, je me suis à mis à dessiner
comme un fou ! J'ai finalement arrêté les études
en Belgique avant la fin pour pouvoir passer un BTS en France,
pour pouvoir travailler. A l'époque c'était
très dur de travailler dans la profession sans diplômes.
Il fallait faire des dizaines de stages avant d'avoir une
carte professionnelle !
En préparant l'IDHEC, j'avais
fait une rencontre assez forte avec Noël Burch, qui
donnait quelques cours. Il parlait beaucoup de l'espace-temps,
n'avait pas encore écrit "praxis du cinéma"
qui est en fait le résumé des cours qu'il
nous a donnés. J'aimais beaucoup l'homme, qui était
un pur échappé des Etats-Unis, comme on en
trouve uniquement en France ! A l'époque j'étais
très fasciné par le cinéma underground
américain et Burch connaissait bien l'école
new-yorkaise qui était déjà très
en place. J'aimais beaucoup le festival de Knokke-le-Zoute.
Il n'y a que ça qui m'intéressait avec le
dessin.