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Aki Kaurismäki (c) D.R.

Quoi qu’il en soit, ses films, ils les fait bien. Et quand je dis qu’il les fait, c’est qu’il les fait vraiment jusqu’au bout : Kaurismäki écrit, produit, réalise et monte ses films lui-même. Il les exploite aussi, puisqu’il est propriétaire avec Mika d’un cinéma à Helsinki (qui passait récemment Va savoir…). Comment trouve-t-il ses histoires ? C’est simple, elle sont déjà dans son inconscient, toutes prêtes, dit-il. Le tout est de les coucher sur le papier.


"Vous avez besoin d’un bon week-end, de beaucoup de cigarettes, de papier et d’une machine à écrire. Pas d’ordinateur : une machine à écrire. C’est très important. Vous commencez le vendredi, et le soir, vous avez envie de vous pendre. Vous n’avez rien de bon et vous vous dites que tout devrait être prêt pour lundi. C’est terrible… Et puis le samedi, ça vient, et plus ça avance, plus ça va vite. Pour La Vie de Bohême, adapté d’Henri Murger, 9 jours avant le tournage, je n’avais pas encore de scénario. La maison de production m’appelait, me demandait quand j’arrivais… Et je n’avais toujours rien ! Une nuit, c’est la révélation : j’ai une idée de scène. Puis une autre. Et ça s’est enchaîné, comme ça… En 5 heures, j’ai bouclé le scénario. De toute façon, je m’autorise le droit d’improviser sur le tournage. Par contre, je ne le permets jamais aux acteurs ! Je leur dis exactement où se placer, et je leur dis comme Jean Renoir ‘Ne jouez pas : contentez-vous de dire les dialogues’. La seule liberté qu’ils ont, c’est de faire ce qu’ils veulent avec leur sourcil gauche ! En fait mon minimalisme, c’est de la paresse : et comme je suis paresseux, je prends de bons acteurs, leur disant juste ce qu’ils doivent faire et leur demandant de ne pas crier. Le plus dur, dans la direction d’acteurs, c’est de faire la tournée des bars de la ville pour vérifier qu’ils n’y sont pas, pour qu’ils soient frais le lendemain ! Je ne travaille pas le matin. On commence toujours le tournage en milieu de journée. Je préfère tourner une scène de petit matin au bout d’une nuit de travail et me coucher le matin plutôt que de me réveiller tôt pour la faire… Je ne fais jamais de répétitions. Ni plus de deux prises. La deuxième, c’est par sécurité : la première est toujours la bonne. Le jeu des acteurs ne s’améliore pas au fil des prises. Au contraire."


  L'Homme sans passé (c) D.R.

Mais au fait, pourquoi fait-il tout lui-même ? "Je n’ai jamais rencontré personne pour écrire ou monter mes films. Je me suis habitué à le faire moi-même. Mon dernier film est une exception : quelqu’un d’autre l’a monté. Faut croire que je suis fatigué. Quant à l’écriture, tous mes meilleurs collaborateurs sont morts : Shakespeare, Dostoïevski, Sartre…"


Le silence, très présent chez Kaurismäki, est-il une caractéristique finlandaise ? demande-t-on au réalisateur. "J’en ai assez, des films américains qui parlent pour ne rien dire, et oublient le silence, répond le cinéaste. Au début, j’écrivais beaucoup de dialogues, puis j’ai épuré. Jusqu’à faire un film muet ! Et en noir et blanc. La prochaine étape, c’est sans l’image ! Non… mon prochain film aura beaucoup de couleurs – et beaucoup de dialogues ! A propos du silence, Brecht a dit : ‘Les Finlandais sont un peuple silencieux en deux langues’ ! Aujourd’hui, malheureusement, on cache ce silence de manière perverse : la Finlande est le pays qui a le plus de téléphones portables en Europe… - Non, l’Islande en a plus ! rétorque son acolyte, l’écrivain Peter von Bagh." Rires. "Quoi qu’il en soit, la Finlande a perdu son ‘silence éloquent’." Et comment ses films sont-ils perçus en Finlande ? " Les Finlandais ont peur de moi parce qu’on voit mes films à l’étranger. Mon public fidèle a une moyenne d’âge de 55 ans. Ce sont des femmes. Qui connaissent le rock’n’roll. Non… sérieusement je crois qu’on aime plus mes films à Milan et à Hambourg que chez moi. Mes films sont réalistes, et les Finlandais, en rentrant d’une dure journée de boulot, n’ont pas envie de voir un film sur eux…"