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Le Monde vivant (c) D.R.
Objectif Cinéma : Dans quelle mesure le film a-t-il été découpé à l’avance ? Quelles modifications ont eu lieu au tournage ? Le montage a-t-il changé ou non ce qui était prévu ?

Eugène Green : J’ai une façon de travailler qui est assez particulière. Quand j’ai commencé le travail sur Toutes les nuits, ma seule formation, c’était la cinéphilie. Je me suis rendu compte en écrivant le film qu’il fallait que je voie, image par image, l’histoire. J’ai commencé à décrire chaque image sans utiliser de termes techniques, si bien que le scénario que j’ai présenté au CNC est en fait un découpage avec des indications de lumière, de cadre. Bien sûr, au moment du tournage, il y a toujours un décalage entre ce que j’ai imaginé et la réalité du décor présent, mais globalement on tourne le scénario tel qu’il était écrit, et le découpage est aussi un montage. Dans Le Monde Vivant, on a tourné toutes les séquences et on les a montées exactement dans l’ordre. Pour moi, le montage, c’est un travail de dentelle. J’ai suivi exactement le scénario, j’ai choisi les prises, et une fois monté « l’ours » - c’est-à-dire la succession des prises qu’on a sélectionné, - ça ne fonctionnait pas du tout, parce qu’on n’avait pas choisi le bon endroit pour couper : il y a 24 images par seconde, et c’est à l’image près. Le montage est donc pour moi très important, mais je ne suis pas comme les cinéastes qui créent sur le tournage un matériel brut et inventent véritablement leur film au montage. Pour des raisons matérielles, il a fallu parfois simplifier le découpage, mais l’esprit a toujours été respecté.

C’est ce mode d’organisation qui me permet de travailler en si peu de temps. Dans les conditions où nous étions, il n’était pas possible de faire le découpage sur le plateau, d’envisager des solutions de montage. J’aurais aimé avoir plus de temps mais plutôt pour travailler d’autres choses, pour répéter plus et faire quelques prises supplémentaires - et également pour éviter à l’équipe de travailler 12 heures par jour.



Objectif Cinéma : Les décors ? Vous les avez cherchés à partir de ce qui était écrit ?

Eugène Green : Oui. On ne trouve jamais ce qu’on avait imaginé. On ne tourne jamais exactement les images qu’on imagine. Pour moi, les espaces dans lesquels devaient se déplacer les corps et les types de matières étaient des éléments essentiels, et ont guidé les repérages. Les matières sont très importantes pour moi car elles dégagent une énergie presque autant qu’un être animé ; j’aime bien filmer les pierres, les sols.

J’avais besoin d’un pays possédant une nature très forte, et aussi de belles bâtisses anciennes. Le château de l’ogre est composé de deux châteaux, Montaner en Béarn et Mauléon au Pays Basque. C’est une région où il y a une très belle lumière naturelle - on a tourné à l’automne. S’agissant de la lumière intérieure, nous n’avons utilisé que des flammes : elles ne sont pas toujours à l’image, mais les lumières d’appoint sont fournies par des « projecteurs baroques » ; ce sont des rampes de théâtre avec des bougies et des glaces posées sur des pieds. On peut aussi prendre le réflecteur d’un projecteur normal et remplacer l’ampoule par une bougie. La nature de cette lumière est particulière, elle dégage une énergie qu’on ne peut reproduire par la lumière électrique.