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  La Route (c) D.R.

La route sur laquelle chemine Amir est bien plus intéressante à suivre lorsque Omirbaev abandonne l’esquisse psychologique pour s’attacher à toutes les manifestations d’une imagination suractive. Le spectateur accepte d’autant plus ce choix de mise en scène (le privilège accordé aux images du monde intérieur sur les images du monde extérieur), qu’il est réalisé avec talent et sans ostentation, et surtout qu’il touche juste. Amir, cinéaste et homme d’images, est sans conteste l’alter ego d’Omirbaev et, à travers son personnage, c’est Omirbaev lui-même qui livre au spectateur le détail de son imagination. On reconnaît ainsi avec un plaisir certain, dans la scène fictive composée par Amir, une scène possible de Tueur à gages.

LA SOLITUDE DU CINEASTE KAZAKH

La Route est un film de cinéaste (Darejan Omirbaev), sur un cinéaste (Amir Kobessov), avec un cinéaste (l’acteur réalisateur Djamshed Usmonov) et pour des cinéastes  (le générique de fin dédie La Route aux cinéastes du Kazakhstan). On retombe donc sur le problème évoqué plus haut, de la place réservée au spectateur. Le solipsisme du personnage, mis au secret de son monde intérieur, et le solipsisme du film, sorte de jouet pour auteur moderne, trahit cependant un manque fondamental, une relation perdue : celle du cinéaste à son public. Le refus du réel et le choix de l’imaginaire, pour le personnage comme pour le film, sont une échappatoire à l’épreuve décisive du réel qu’est, pour un cinéaste, le public.

La Route (c) D.R.

Dans deux scènes, Amir se heurte à l’incompréhension du public kazakh, non seulement rétif à un cinéma d’ " auteur " et avide de cinéma " populaire ", mais aussi incapable de distinguer le cinéma de la réalité et appliquant sur le monde de l’art les mêmes jugements que sur le monde réel. Endormi, Amir rêve ainsi qu’à l’avant-première de son film, le projectionniste diffuse par erreur un film de kung-fu et, comble du comble, que les spectateurs conquis refusent qu’on interrompe la projection. Il se souvient ensuite de cette scène : après qu’il a rajouté au montage de son film un plan de femme nue, sans prévenir l’actrice qui avait refusé de jouer une telle scène, le père et les frères de la " victime " viennent lui demander des comptes et lui reprocher le discrédit jeté, aux yeux de sa famille et de ses connaissances, sur la jeune fille. Amir, avant de se faire violemment corriger, ne trouve pour se justifier qu’une sentence de Dostoïevski, comparant l’artiste au criminel, leurs lois ne pouvant être celles de la société ni du sens commun.

A force d’atteindre, sans le désirer, un public occidental cultivé – ce public qui reconnaît la modernité et les références (Bresson, …) de son cinéma – et à force de désirer, sans l’atteindre, un public kazakh populaire – ce public dont la culture est fondée sur la parole et non l’image –, Omirbaev se prive de l’un et l’autre et son désir de cinéma semble suivre la pente du refoulement, voire de la régression. Or, le cinéaste est parfaitement conscient de ce paradoxe, qu’il creuse au lieu de le briser : il sait ne pas toucher le public kazakh et s’évertue à faire un film presque sans paroles et tout en images, de même qu’il sait toucher le public occidental mais lui montre qu’il n’est désiré que par défaut. On voudrait s’attrister de ce paradoxe ; on est plutôt gêné par la mauvaise foi du cinéaste…



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Titre
 : La Route
Titre original : Jol
Réalisation : Darejan Omirbaev
Scénario : Darejan Omirbaev et Limara Jeksembaeva
Acteurs : Djamshed Usmonov, Saoule Toktibaeva, Aïnour Tourgambaeva, Magjane Omirbaev, Valiéra Gouliaéva, Valéri Skorikov, Moukhamédjane Alpisbaev
Image : Boris Trochev
Son : Helena Vlazneva
Montage Image : R.Beliakova
Montage son : Catherine D’Hoir
Photographe de plateau : Chloé Drieu
Producteur exécutif : Limara Jeksembaeva
Producteurs : Elise Jalladeau, Joël Farges et Ueda Makoto
Produit par : Artcam International (France), NHK (Japon), Kadam-T Kazakhfilm Aïmanov (Kazakhstan)
Distributeur : Epicentre Films
Sortie France : 16 janvier 2002
Durée : 1h 25 mn
Pays : Kazakhstan
Année : 2001





Objectif Cinéma
:
interview de Darejan Omirbaev réalisé en 1998
Festival des 3 Continents
:
article sur les réalisateurs du Kazakhstan et du Kirghizistan