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  1974, Une partie de campagne (c) D.R.
Du briefing matinal de l’attaché de presse dans la voiture aux grands meetings en passant par les réunions à huis clos et les moments d’isolements du candidat, Depardon alterne les investigations de terrain et les captations en lieux clos (une méthode qu’il ne cessera de développer par la suite). Des conversations anodines avec les élus locaux aux petites phrases assassines adressées à un collaborateur avant le décollage d’un avion, tout y passe. Mais pas dans n’importe quel ordre. Car dès les premières images, Depardon s’oriente plus vers le portrait que vers la captation de la campagne au sens large.

Dans l’intimité et les réunions de QG de campagne, Depardon reste focalisé le plus possible sur son personnage, avec bien souvent la main heureuse qui le caractérise et nous laisse penser qu’il entretient une mystérieuse complicité avec le hasard. Les stratégies de campagne apparaissent clairement, les propos sont encadrés par des faits significatifs. Il y a par exemple cette scène où Giscard est en conversation téléphonique avec Mesmer (à l’époque Premier ministre). Giscard, qui n’est encore que candidat, parle de manière sèche et autoritaire à Mesmer. Après avoir raccroché le téléphone, Giscard siffle son chien qui accourt docilement.

Des exemples comme celui-ci nous amènent à constater que ce film porte en germe une forme de syntaxe qu’on retrouvera dans les autres films de Depardon. En effet, Depardon sait donner le sentiment que ses films se font progressivement sous nos yeux, tout en laissant transparaître ici ou là des éléments qui relèvent d’un réel point de vue.

Valéry Giscard d'Etaing (c) D.R.

D’évidence, l’impression d’images volées cède souvent la place aux images données, et Giscard n’hésite pas à tomber le masque lorsqu’il explique à son QG entre les deux tours de l’élection la stratégie à adopter : " C’est une élection gagnée d’avance si on ne fait rien ".

À ce moment, la spontanéité et la décontraction du personnage candidat découlent d’une réelle stratégie. Giscard dit explicitement qu’il lui faudra simplement paraître " rassurant, convenable, gentil…" :  pour gagner face à Mitterrand, il ne doit pas se montrer belliqueux. Il veut ratisser large. Il expose sa stratégie à plusieurs reprises : une démagogie simple et efficace.

L’aveu du simulacre permet à Depardon de se débarrasser d’une éventuelle envie de porter son attention sur les discours du candidat face aux électeurs. Ce qui l’intéresse c’est l’avant, l’après, et la foule. Pendant les scènes de meetings et les séances de bains de foule, Depardon ne se détourne de Giscard que pour nous donner à voir un contrechamp très intéressant…Les gens qui boivent ses paroles ne ressemblent pas forcement à l’image que l’on se fait des Giscardiens. Il y a des jeunes, des ouvriers, des ruraux et des cadres, mais c’est surtout la jeunesse qui attire l’attention. C’est une France éclectique qui voyait en Giscard une certaine modernité, incarnée par un ministre des finances de 48 ans issue de la société civile qui portait des costumes droits et des cols en V avec une certaine décontraction.