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King Lear (c) D.R.

Godard fait l’acteur, le penseur, baragouine de l’anglais littéraire, fume le cigare, pète aussi. Posture de gagman, mâtinée de gourou, le père Godard s’amuse en Pluggy, chevelure de câbles et tresses électriques ; plug, c’est brancher, introduire : Godard en contrôleur des entrées, input / output, distillateur d’images. Il s’amuse, et nous avec. Car le film creuse tout de même son sillon burlesque, distribuant quelques scènes limites, comme pour tester notre indulgence, voire notre admiration ; ainsi ces errances de Cordélia, toute de blanche vêtue, accompagnée d’un destrier du même blanc ; ou les scènes avec Carax et Julie Delpy, animées d’un surréalisme de tréteaux. Le film pourrait virer potache (ce qui ne serait pas incohérent, vu le tour de cochon fait à la Cannon), n’étaient le sérieux des plans, sa force de composition plastique et sa rigueur sur la question du cinéma ; puisqu’il s’agit en définitive (et comme presque toujours chez Godard) de cinéma : ses histoires, ses formes, sa puissance.

Le grand mystère de cette usine de fictions collective alimente le film et alimentera les prochains, Hélas pour moi, JLG/JLG, For ever Mozart. Les portraits des maîtres défilent : Tourneur, Franju, Lang, Bresson, Renoir, Cocteau ; c’est sous leur patronage que se place, humble, Godard, un des plus importants cinéastes de l’histoire, qui ne cesse de déclarer son émerveillement face au pouvoir des relations entre les images. D’une certaine manière, King Lear, avec ses défauts, son côté brouillon, inaugure la nouvelle " façon " de Godard qui s’affinera dans les films sus-nommés ; il y a le lieu, le Léman, que Godard filme comme l’Atlantique ; il y a ces plans contemplatifs, ces cadrages rendant grâce au réel, le faisant littéralement surgir ; il y a ce fantastique de la lumière, né des ombres et des couleurs ; il y a ce sentiment d’appartenir à la communauté de l’art et des hommes ; il y a ces références, ces phrases, qui traversent désormais tous ses films, tirées en vrac de Malraux, Wittgenstein, Merleau-Ponty, Diderot, etc ; il y a cet alliage émotionnel, atmosphérique, de la musique, du son et des images, souvent beaux à vous donner la chair de poule.

Godard qui s’amuse comme un gamin, embauche Peter Sellars - autre metteur-en-scène, mais de théâtre, le frère ennemi- pour incarner un Shakespeare cinquième du nom, ainsi qu’un Woody Allen sombre, en dernier survivant du cinéma " art mort après Tchernobyl " montant la pellicule avec du fil et des aiguilles. Situation tragi-comique d’un créateur de cinéma, pris entre ses producteurs et son propre regard.

Le regard que Godard porte sur cet art qui cherche toujours à passer à l’âge adulte, est toujours réinventé et sérieux, mais sans doute du sérieux qu’ont les enfants quand il s’agit de leurs propres jeux.



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Titre original 
: King Lear
Réalisateur : Jean-Luc Godard
Scénario : Jean-Luc Godard, Norman Mailer
D'après la pièce de : William Shakespeare
Acteurs : Jean-Luc Godard , Peter Sellars, Norman Mailer, Leos Carax, Peter Sellars, Burgess Meredith, Molly Ringwald, Jean-Luc Godard, Woody Allen, Julie Delpy
Directeur de la photographie : Sophie Maintigneux
Monteur : Jean-Luc Godard
Production : Cannon Pictures
Producteur : Yoram Globus, Menahem Golan
Distribution : Bodega Films
Sortie France : 03 avril 2002
Durée : 1h 30 mn
Pays : Etats-Unis
Année : 1987