SYNOPSIS :
Au sud de Marseille, un bateau de pêche repère
en pleine nuit le corps d’un homme ballotté par les flots.
Un vieux marin extrait de son corps deux balles et de sa hanche
une petite capsule holographique indiquant un numéro
de compte à Zurich. L’homme s’éveille, amnésique,
retrouve des forces et se découvre des dons mystérieux :
il parle couramment plusieurs langues, possède d’exceptionnelles
capacités d’observation, est doué pour la lutte
et l’autodéfense. Le rescapé gagne Zurich et se
rend à son coffre, où il découvre une mallette
contenant un passeport au nom de Jason Bourne et six autres
documents d’identité de diverses nationalités,
ainsi qu’un pistolet et plusieurs millions de dollars… |
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POINT DE VUE
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Au milieu d’un champ vide,
un homme à terre demande l’identité de celui
qui vient de l’abattre : " Paris ? ",
" Londres ? ", " Rome ? ".
Ce tireur d’élite, qui s’apprête à mourir,
interroge son assassin, invoque sa ville, puis la solitude
dans la fuite - la clandestinité. Nulle lutte entre
ces deux-là, mais un seul accord, un échange
né de l’adversité. Quelque chose d’émouvant
émane déjà d’une neutralité qui
désenclave la tension, la soulève : quoi
de plus humaniste qu’une scène de cinéma d’action
où les codes se disloquent, se suspendent dans une
brève effusion pure, presque inutile, entre deux
adversaires ? Un seul instant et le lyrisme l’emporte à
la logique d’action ; quand, brusquement, le simple élan
de la scène fait vaciller les schèmes de la
lutte, du meurtre sauvage et autres chasses à l’homme.
La chasse à l’homme focalise les principes, solides
et routiniers de ce cinéma d’action, dont La Mémoire
de la peau semble, aujourd’hui, le pur emblème,
l’esquisse théorique. Jason Bourne est un corps retrouvé
dans la mer criblé de deux balles, et porteur dans
sa hanche d’une capsule holographique indiquant un numéro
de compte à Zurich. Né amnésique, né
coureur de fond, selon l’adage de Doug Liman. La chasse à
l’homme se présente comme l’enveloppe apparente et
le double fonds du film. La nouveauté, ici, réside
pourtant dans le principe très simple du jeu de l’oie :
pourchassé de Zurich à Paris par une organisation
secrète, Bourne, pour ne jamais être dépassé,
doit sans cesse courir, sauter de case en case. Mais aucune
obligation de connaissance de soi, tout au long de la fuite,
plutôt l’occasion proprement hallucinante de découvrir
ses propres forces, décupler sa part d’unicité
dans une projection en avant illimitée. La Mémoire
dans la peau où les aventures d’un anonyme proclamé
super-héros malgré lui, splendide surhomme qui
ne cesse de naître à rebours. Mais si d’abord,
stupéfait la parenté avec le monde désincarné
d’Incassable de Night Shyamalan, elle s’efface ensuite
rapidement : il ne s’agit plus, comme dans le précédent
modèle Incassable, d’une soustraction de soi
dans la chute, mais d’une addition ou (dé)multiplication
de soi dans le bond en avant. Plus besoin pour l’amnésique
de reconnaître ses traits mais d’en arborer d’autres,
plus performants, qui vont déclencher, parfois par
retour d’automatismes, son instinct de survie et sa science
de rescapé.
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