Que
le film de Bernie Bonvoisin puisse provoquer de telles réminiscences
pourrait apparaître comme un succès. Malheureusement,
comme il reste toujours en deçà de ses illustres
références, Blanche ne suscite que
déception et regrets.
Les mots d’Audiard bénéficiaient de transmetteurs
de haute précision. Lino Ventura, Jean Gabin, Bertrand
Blier et Francis Blanche distillaient avec un plaisir communicatif
les perles linguistiques du grand Michel.
Sans Francis, mais avec
Blanche, Bernie Bonvoisin
a du mal à retrouver des interprètes aussi
habiles et efficaces. Dans le rôle de l’héroïne
en jupons, Lou Doillon n’est pas vraiment crédible.
Après Emmanuelle Béart dans
La fille de
D’Artagnan, après Marie Gillain dans
Le bossu,
Bernie Bonvoisin choisit de raconter à son tour l’histoire
d’une épéiste au féminin.
Mais la douceur naturelle de Lou Doillon dessert quelque
peu l’intention du réalisateur : la fragilité
de l’actrice contraste trop avec la haine censée
animer son personnage d’orpheline vengeresse.
Les malheurs de la fille de Jane Birkin ne résultent
pas d’une simple erreur de casting. Lorsqu’il s’agit d’oraliser
le texte de Bernie Bonvoisin, Lou Doillon boit littéralement
la tasse. Elle récite ses lignes plus qu’elle ne
les joue et le résultat n’est guère brillant.
Peut-être atteint par contagion, Roschdy Zem souffre
lui aussi de ce mal scolaire inquiétant. Incarnant
un espion à la solde de la reine qui changera de
camp par amour pour Blanche, l’acteur débite son
texte comme un enfant sa leçon de grammaire.
Résultat, devant les faiblesses
cumulées de leurs deux interprètes, les dialogues
énamourés de Bonange (Roschdy Zem) et de Blanche
(Lou Doillon) en deviennent désespérément
soporifiques. Et comme les joutes verbales sans charme de
ce duo approximatif recouvrent une bonne partie du film,
l’intérêt s’effondre à chacune de leurs
apparitions.
L’autre couple du film - Jean Rochefort
et Carole Bouquet - a beau remonter considérablement
le niveau global du film, Blanche est plombé
par le jeu plus qu’hésitant du rôle titre et
d’un des personnages secondaires les plus importants.
Mais même si le reste de la distribution s’en sort
plutôt mieux qu’eux, et même s’ils n’y mettent
pas vraiment du leur, Lou Doillon et Roschdy Zem ne sont
pas les seuls fautifs : Bernie Bonvoisin le réalisateur
ne leur facilite pas la tâche avant que Bernie Bonvoisin
le scénariste ne les conduise directement au précipice.
Côté mise en plans, le réalisateur des
Démons de Jésus a du mal à ne
pas sombrer dans le ridicule. Perchés sur des marches
d’omniprésents escaliers ou postés sur des
rochers légèrement émergés,
Lou Doillon et Roschdy Zem sont figés dans des poses
incroyablement artificielles, proches des pires sitcoms
américains.
Quand il se concentre sur l’écriture, Bernie Bonvoisin
fait également preuve d’une grande maladresse. Trop
riches, trop longues, ses tirades finissent par insupporter
l’oreille, par saturer le système auditif.
Ainsi privé de l’un de ses principaux récepteurs
externes, le cerveau s’autodéconnecte, se débranche
de lui-même. Mais au vu de l’histoire qui nous est
offerte, un tel court-circuit intellectuel peut être
envisagé comme un moindre mal.
E
n utilisant des clins d’œil historiques,
comme des références au Ku Klux Klan (le capitaine
de la milice de Mazarin, interprété par Antoine
de Caunes, se nomme Kékéké et ses subalternes
arborent des cagoules coniques de triste souvenir) ou aux
escadrons de la mort brésiliens, Bernie Bonvoisin
voulait dénoncer la décadence atemporelle
des puissants, la débauche sans âge des élites
au pouvoir.