Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     


 

 

 

 

 
  Blanche (c) D.R.
En rassemblant dans un même parterre, la fine fleur des comédiens hexagonaux, en montrant Carole Bouquet, l’une des plus belles plantes du cinéma français, lancée un " Tais-toi connasse ! " rageur ou un " Mazarin, me prendriez-vous pour une trompette ! " musical au très en sève Jean Rochefort, de savoureux souvenirs reviennent en surface.

Ce casting de rêve et ces répliques cinglantes rappellent en effet les quelques films, qu’on peut raisonnablement qualifier de chefs d’œuvre, qui ont bénéficié de l’écriture jubilatoire de Michel Audiard. Les Tontons Flingueurs d’Henri Verneuil et son mémorable " Touche pas au grizbi, salope ! " en est peut-être l’exemple le plus fameux.


Que le film de Bernie Bonvoisin puisse provoquer de telles réminiscences pourrait apparaître comme un succès. Malheureusement, comme il reste toujours en deçà de ses illustres références, Blanche ne suscite que déception et regrets.

Les mots d’Audiard bénéficiaient de transmetteurs de haute précision. Lino Ventura, Jean Gabin, Bertrand Blier et Francis Blanche distillaient avec un plaisir communicatif les perles linguistiques du grand Michel.

Sans Francis, mais avec Blanche, Bernie Bonvoisin a du mal à retrouver des interprètes aussi habiles et efficaces. Dans le rôle de l’héroïne en jupons, Lou Doillon n’est pas vraiment crédible. Après Emmanuelle Béart dans La fille de D’Artagnan, après Marie Gillain dans Le bossu, Bernie Bonvoisin choisit de raconter à son tour l’histoire d’une épéiste au féminin.

Mais la douceur naturelle de Lou Doillon dessert quelque peu l’intention du réalisateur : la fragilité de l’actrice contraste trop avec la haine censée animer son personnage d’orpheline vengeresse.

Les malheurs de la fille de Jane Birkin ne résultent pas d’une simple erreur de casting. Lorsqu’il s’agit d’oraliser le texte de Bernie Bonvoisin, Lou Doillon boit littéralement la tasse. Elle récite ses lignes plus qu’elle ne les joue et le résultat n’est guère brillant. Peut-être atteint par contagion, Roschdy Zem souffre lui aussi de ce mal scolaire inquiétant. Incarnant un espion à la solde de la reine qui changera de camp par amour pour Blanche, l’acteur débite son texte comme un enfant sa leçon de grammaire.

Blanche (c) D.R.
Résultat, devant les faiblesses cumulées de leurs deux interprètes, les dialogues énamourés de Bonange (Roschdy Zem) et de Blanche (Lou Doillon) en deviennent désespérément soporifiques. Et comme les joutes verbales sans charme de ce duo approximatif recouvrent une bonne partie du film, l’intérêt s’effondre à chacune de leurs apparitions.

L’autre couple du film - Jean Rochefort et Carole Bouquet - a beau remonter considérablement le niveau global du film, Blanche est plombé par le jeu plus qu’hésitant du rôle titre et d’un des personnages secondaires les plus importants.

Mais même si le reste de la distribution s’en sort plutôt mieux qu’eux, et même s’ils n’y mettent pas vraiment du leur, Lou Doillon et Roschdy Zem ne sont pas les seuls fautifs : Bernie Bonvoisin le réalisateur ne leur facilite pas la tâche avant que Bernie Bonvoisin le scénariste ne les conduise directement au précipice.

Côté mise en plans, le réalisateur des Démons de Jésus a du mal à ne pas sombrer dans le ridicule. Perchés sur des marches d’omniprésents escaliers ou postés sur des rochers légèrement émergés, Lou Doillon et Roschdy Zem sont figés dans des poses incroyablement artificielles, proches des pires sitcoms américains.

Quand il se concentre sur l’écriture, Bernie Bonvoisin fait également preuve d’une grande maladresse. Trop riches, trop longues, ses tirades finissent par insupporter l’oreille, par saturer le système auditif.

Ainsi privé de l’un de ses principaux récepteurs externes, le cerveau s’autodéconnecte, se débranche de lui-même. Mais au vu de l’histoire qui nous est offerte, un tel court-circuit intellectuel peut être envisagé comme un moindre mal.

En utilisant des clins d’œil historiques, comme des références au Ku Klux Klan (le capitaine de la milice de Mazarin, interprété par Antoine de Caunes, se nomme Kékéké et ses subalternes arborent des cagoules coniques de triste souvenir) ou aux escadrons de la mort brésiliens, Bernie Bonvoisin voulait dénoncer la décadence atemporelle des puissants, la débauche sans âge des élites au pouvoir.