C’est également ainsi qu’on finit
par en savoir plus sur la personnalité de Yoko, fille
dont la vie ne fut pas qu’une succession d’événements
heureux (abusée par un beau-père dont la gentillesse
est trop appuyée pour être honnête, marquée
par la perte tragique de son père et délaissée
par une mère indigne). Mystérieuse au départ,
on comprend au fil de l’intrigue ce que la jeune fille cherche
et compte bien trouver. Contrairement à une Asami qui,
dans Audition de Takashi Miike, va se servir de ses
charmes pour piéger et assouvir une terrible vengeance,
Yoko tente de trouver une personne qui puisse l’aimer dans
un monde âpre et inadmissible.
Pour elle, et comme pour la plupart des adolescents à
cet âge-là, l’amour est une question de vie ou
de mort. C’est d’ailleurs ce qui explique sa réaction
dans ce qui demeure comme la scène la plus sublime
du film : lorsqu’elle se jette habillée dans le bain
de Tomokawa pour lui hurler son amour alors que celui-ci semble
se refuser à elle. Une adolescente est, comme
son titre l’indique, également un grand film sur l’adolescence
et nous donne à voir lesdits amours adolescentes sous
un angle à la fois réaliste et cru, aux antipodes
des histoires à l’eau de rose simplistes où
les figures confinent le plus fréquemment aux tristes
archétypes.
La richesse thématique (le poids de la culpabilité,
les histoires d’amour qui ne sont jamais réellement
finies, la recherche de la personne idéale…) permet
au film de ne jamais tomber dans l’écueil de la niaiserie
ou la banale comédie romantique. Pour autant, Une
adolescente n’est pas un film qui se prend au sérieux
et sait par intermittences être fantaisiste avec les
digressions absurdo-comiques qui lui apportent une originalité
bienvenue (comme lors de cette scène où le frère
attardé de Yoko décore son vélo avec
des guirlandes électriques…). En second plan, le film
s’intéresse à la fonction du tatouage et à
sa signification. Loin d’être un effet de mode, il est
plus à prendre comme l’expression d’un amour infini.
C’est la leçon qu’essaye d’inculquer le grand-père
de Yoko à sa petite fille qui, au départ rétive,
finit par comprendre l’importance de cet art. Ce sera une
manière pour Yoko de prouver son amour à Tomokawa.
De (très) mauvaise humeur, on pourrait reprocher au
cinéaste de trop s’attarder sur les personnages secondaires
qui viennent par moments un peu trop complexifier la situation.
Mais c’est de cette façon qu’il rend plus vibrante
l’histoire d’amour entre Yoko et Tomokawa. Les passages dans
lesquels les deux personnages principaux se retrouvent seuls
à l’écran sont placides et font contrepoids
avec la fureur et l’hystérie de l’extérieur
(incarnées par le personnage de la mère, vénale
et insupportable d’égoïsme).
Rien n’aurait été pareil, ni d’une telle force,
si l’interprétation d’ensemble n’avait pas été
d’aussi bonne facture. A la fois devant et derrière
la caméra, Eiji Okuda est impeccablement sobre en flic
alcoolique et désabusé qui ne sait plus très
bien où il en est. Quant à Mayu Ozawa, c’est
la véritable révélation du film. Dans
ce rôle d’adolescente prête à tout par
amour, elle parvient avec un brio singulier à retranscrire
la fièvre qui possède son personnage. Mais,
au-delà d’une simple affaire de grands rôles,
c’est surtout l’histoire d’amour en elle-même qui est
bouleversante. Elle nous montre deux personnages, seuls contre
tous, a priori banals et finalement marginaux, qui ont compris
que c’est grâce à l’amour qu’ils peuvent transformer
leurs quotidiens moroses en grands moments d’extase.
Titre : Une adolescente Titre VO : Shoujyo Réalisateur :
Eiji Okuda Scénario :
Izuru Narushima et Katsuhiko Manabe Acteurs : Eiji Okuda,
Mayu Ozawa, Akira Shoji, Mari Natsuki, Hideo Murota D’après une nouvelle
de : Mikihiko Renjyo Direction artistique :
Katsuhiko Hibino Direction de la photographie :
Hirokazu Ishii Musique : Shigeru
Umebayashi Production exécutive :
Eiji Okuda et Henri Ishii Producteurs : Eiji
Okuda et Ben Yamamoto Production : Zero Pictures
/ Eiji Okuda Distribution : Pan Européenne
Distribution Festival : Grand
Prix de l’American Film Institute 2002, Grand
prix et Prix d’interprétation féminine
du festival de Paris 2002, Sélection officielle
Venise 2001, Cinéma de Demain Nouvelles
Tendances de Montréal 2001, Prix d'interprétation
féminine du festival de Thessalonique 2001 Date de sortie : 19
Mars 2003 Durée : 2h 12mn Année :
2001 Pays : Japon