Malgré la description d’un univers glacial
et anxiogène (très réussi notamment grâce à une photographie
trouble),
Natali réussit à conserver une dimension humaine au cœur de
ce jeu de pouvoir grâce au personnage de Rita, une jeune femme
qui constitue le seul espoir de Morgan Sullivan.
Mais au-delà d’une maîtrise visuelle et sonore incontestable,
c’est surtout la précision et l’habileté dans la construction
scénaristique qui émerveille ici. Une intrigue menée en premier
chef par Jeremy Northam, acteur caméléon qui effectue une
transformation physique et psychique particulièrement remarquable
tout au long du film.
Le scénariste débutant Brian King nous offre grâce à un scénario
stupéfiant, un joyau opaque aux multiples facettes contenant
de nombreuses idées étourdissantes et plusieurs niveaux de
lectures qui oblige derechef à retourner voir le film au plus
vite.
Ces multiples strates de récit constituent l’attrait principal
du film. On s’y perd, on n’y noie avec délice, la virtuosité
narrative déploie ses tentacules créant chez le spectateur
un sentiment de frustration et de plaisir.
Autour de ses thèmes de prédilection que
sont la confiance, la manipulation et l’enfermement psychique,
le réalisateur sait maintenir à tous moments une tension fébrile
et condenser l’action en de très courts instants entraînant
irrésistiblement le spectateur vers le dénouement final.
Même si Cypher est un film futuriste et contient donc
fatalement quelques effets spéciaux, Natali ne s’embarrasse
pas d’effets visuels gratuits et de gadgets « dernier
cri » inutiles. Tout artifice comme tout choix visuel,
quel qu’il soit, se retrouve toujours assujetti aux personnages
et à leur évolution dans le récit.
Par exemple, la photographie évolue en fonction de l’évolution
psychologique du personnage de Morgan Sullivan, plongé en
permanence dans une atmosphère grisée et bleutée rehaussé
de nuances jaunâtres.
Le cinéaste tente de nous transmettre les sentiments de son
personnage à travers les couleurs qui composent son image,
passant de tons neutres et froids au début du film à des tons
plus intenses au fur et à mesure que l’on avance dans l’histoire
et que le personnage devient plus complexe.
Avec son deuxième long métrage, Vincenzo Natali entre dans
la catégorie très convoitée des maîtres de la manipulation
à l’écran. Il bâtit une histoire de science fiction sophistiquée
utilisant les ficelles des meilleurs romans d’espionnage dans
un scénario époustouflant magnifié par une approche visuelle
dépouillée, vaporeuse et en même temps sinistre, asphyxiante
et angoissante. Entre paranoïa et claustrophobie, une expérience
cinématographique hors du temps à la frontière du cauchemar
et du rêve.
Titre :Cypher Réalisateur : Vincenzo
Natali Scénario : Brian
King Acteurs : Jeremy Northam,
Lucy Liu, Nigel Bennett, Timothy Webber Producteurs : Paul Federbush,
Wendy Grean Directeur de la photographie
: Derek Rogers Chef décoratrice :
Jasna Stefanovic Montage : Bert
Kish Chef costumière : Tamara
Winston Superviseur des effets spéciaux :
Bob Munroe Distribution :
Metropolitain Filmexport Date de sortie :
26 mars 2003 Durée : 1h35 Pays : Etats Unis Année : 2003