Le cinéaste a construit le scénario de
son film en pensant à l’histoire de Masako, la femme qui tente
d’en savoir plus sur son passé. Cela s’en ressent dans la forme
qui s’apparente à celle d’un puzzle complexe dans lequel les
protagonistes (mais aussi les spectateurs) tentent d’assembler
les morceaux afin de donner un ensemble cohérent. Il ne prend
réellement un sens que lors du coup de théâtre final inattendu
qui accélère la cadence du film jusque-là languissant, et surtout,
remet tout le film en question. En cela, le film est trompeur
: il fait semblant de nous conforter dans des hypothèses qui
sont peut-être erronées. Cela peut passer pour de la manipulation,
mais il ne fait que jouer sur le doute et notre propre perception
des choses avec une étonnante subtilité. C’est d’ailleurs pour
cette raison que Femmes en miroir ne séduit pas immédiatement
et gagne à être considéré avec du recul. Déroutant, il fonctionne
comme une boucle jamais finie. Pour provoquer cette sensation
de perte de soi – l’un des paradoxes pervers qu’on affectionne
le plus au cinéma -, le cinéaste répète fréquemment les mêmes
scènes (les séquences oniriques), les mêmes actes (la dame qui
sort avec son ombrelle, qui regarde le miroir brisé, seul souvenir
qu’elle possède de sa fille; les apparitions de la journaliste
qui sont peut-être une fausse piste…). Le procédé, certes artificiel,
provoque d’étonnantes sensations. Les horreurs de Hiroshima,
qui sont au centre des préoccupations des héroïnes, sont le
plus souvent évoquées oralement ou par l’intermédiaire de peintures.
Elliptique et métaphorique, le film est pourvu d’allégories
plus ou moins perceptibles tel que l’océan déchaîné, symbole
de la mort.
Cette forme de cinéma qui fait
venir les démons à nos portes, demande beaucoup au spectateur
et peut ne pas convenir à tout le monde. Mais elle n’en
est pas moins enrichissante et provoque une vraie satisfaction,
autant sur la forme, très travaillée (jeu sur les ombres,
soin apporté à l’esthétisme, effets de mise en scène astucieux…)
que sur le fond, d’une force et d’un humanisme proprement
bouleversants.
Titre : Femmes en miroir Titre VO : Kagamino
onnatachi Réalisateur & Scénariste
: Kiju Yoshida Acteurs : Mariko Okada,
Yoshiko Tanaka, Sae Issiki, Hideo Murata, Tokuma
Nishioka, Mirai Yamamoto, Yukiya Kitamura, Miki
Sanjo, Hiroshi Inuzuka Compositeur : Keiko
Harada, Mayumi Miyat Directeur de la photographie
: Masao Nakabori Chef décorateur :
Kyôko Heya, Kiju Yoshida Chef monteur : Hiroaki
Morishita Producteurs :
Shinichi Takata, Takumi Ogawa, Philippe
Jacquier, Yutaka Shimomura Production : Sépia
Production, France Distribution : Les
Films du Paradoxe, France Pays : Japon, France Date de sortie : 02
Avril 2003 Année : 2001 Durée : 2h 09