Yokohama, interprété par Nagase
Masatochi, suivra la trace de la jeune femme qu’il est chargé
de retrouver jusqu’à un asile tenu par un mystérieux professeur
- Suzuki Kyoka -, perdu en pleine nature, au centre d’une
authentique « forêt de symboles », dont seuls
les toits percent au-dessus des arbres. Privés d’identité,
muets pour la plupart, leur personnalité gommée par les
exigences de la communauté, les personnages qu’abrite cette
retraite évoluent sans plus aucun rapport avec le monde
extérieur, où la liberté est appréhendée au même titre que
la « maladie ». Dorénavant désignés par des chiffres,
ceux-ci délèguent au professeur la possibilité de décider
pour eux de la tenue de leur existence, en lui confiant
leur vie tout entière.
Comme bon nombre de films issus de la nouvelle génération
de réalisateurs japonais, la narration de La Forêt sans
Nom se plait à amorcer une intrigue conventionnelle
– la recherche par le détective d’une jeune femme disparue
-, et à la développer rapidement en fable métaphysique.
Nonchalant, sardonique, Yokohama ressemble bien plus au
Pierrot le Fou de Godard qu’au héros de romans noirs
américains, mal engoncé dans ses vêtements de citadins qui
ne le quittent jamais, y compris en pleine forêt, comme
le héros de la Nouvelle Vague à laquelle le film se réfère
constamment. Son caractère proprement invraisemblable, poétique
dans son irréalité, permet de traiter plus légèrement un
propos d’une authentique noirceur que la télévision française
aurait sans doute eu plus de scrupules à produire.
Une fois encore c’est le paradoxe
japonais qui est mis en avant, l’anonymat de la masse et
l’effacement progressif des caractères – seul Yokohama est
affublé d’un nom propre dans le film, mais son client ne
parvient pas à le retenir… - dans un monde que la caméra
nous montre comme riche de signes. L’Homme ramené à l’état
de spectre, ses désirs étouffés, s’interroge devant ces
« confuses paroles ». Comme le spectateur, il
est probable qu’il ne puisse en déchiffrer qu’une partie
infime, s’interrogeant devant un monde complexe qui ne se
laisse lire qu’au prix de sa propre raison.
Le résultat est surprenant pour un format court, suffisamment
pour prouver, une fois encore, l’adresse de Aoyama, et le
talent des nouveaux cinéastes japonais qui, au fur et à
mesure de leurs réalisations, s’imposent comme l’une des
plus importantes contributions au cinéma depuis la Nouvelle
Vague.
1) Maurice Pinguet, La Mort Volontaire
au Japon, Gallimard / Collection Tel, in ch.
IV « Le symptôme suicide ».
Titre : La Forêt sans nom Titre VO : A forest
with no name Réalisateur : Aoyama
Shinji Scénariste : Aoyama
Shinji Acteurs : Nagase Masatochi,
Kyoka Suzuki, Nene Otsuka, Yoshio Harada, Masashi
Yamamato Directeur de la photographie
: Tamra Masaki Chef décorateur :
Shinzo Takeshi Chef monteur : Oshiga
Yuji Producteurs : Fujikado
Hiroyuki, Takenori Sento Distribution : ASC
Distribution Date de sortie : 19
Mars 2003 Durée : 1h 11mn Pays : Japon Année : 2001