Même la vision subjective
du héros, qui fait illusion lors de la première scène, devient
hautement risible au bout de la vingt-cinquième utilisation :
sur le toit d’un immeuble, Matt Murdock explique à Elektra qu’il
peut percevoir les formes en temps de pluie. S’ensuit un beau
plan subjectif raté, dans lequel on voit le visage de l’actrice
se dessiner au contact de l’eau. La scène suivante, coucherie
au coin du feu et musique d’ascenseur à l’appui, achève de rendre
improbable l’histoire d’amour avec laquelle le cinéaste tente
de nous émouvoir. A ce stade, nous sommes en présence d’une
authentique parodie des films de super-héros, proche du Captain
America fauché mais hilarant d’Albert Pyun. Les frères Wayans
peuvent ranger leurs stylos, le créneau est déjà occupé.
Depuis Batman et Hitchcock,
il est généralement admis qu’un bon méchant peut à lui seul
sauver un film. Depuis la réussite des films de Burton presque
entièrement fondés sur la figure charismatique du vilain
(le Jocker, le Pingouin), il est de bon ton d’opposer au
héros un personnage antithèse, faisant office de père spirituel
(le Bouffon vert) ou de double maléfique (Magneto). Deux
personnages font face à un Ben Affleck déjà bien embarrassé
par son costume trop serré. Reprenant les grandes lignes
de la bande dessinée, le scénariste sort du placard les
figures mythiques du Caïd et du Tireur. Et c’est dans ces
deux personnages que le film prouve définitivement l’immense
aptitude du réalisateur pour passer totalement à côté d’un
personnage. Le Tireur devient ici une sorte de motard fou,
écumant les bars louches, toujours une bonne blague à la
bouche, joué par un Collin Farrell cabotinant un maximum
dans un rôle qu’il ne maîtrise jamais et qu’il ne cherche
pas à comprendre. A ses côtés, Michael Clarke Duncan passe
son temps à faire le guet dans son bureau, face à sa fenêtre,
tel un personnage dont les scénaristes ne savent manifestement
que faire. Tous deux punis par un DareDevil déchaîné dans
un court final apocalyptiquement nul, ils finissent les
os broyés, le moral entamé, mais l’humour intact. Ce qui
promet, bien entendu, un numéro deux, que l’on attend, cela
va sans dire, avec la plus grande des patiences.
Titre : DareDevil Réalisateur : Mark
Steven Johnson Scénario : Mark Steven
Johnson Photographie : Ericson
Core Monteur : Dennins
Virkler, Armen Minasian Costumes : James Acheson
Musique : Graeme Revell Acteurs : Ben Affleck,
Collin Farrell, Michael Clarke Duncan, Jennifer
Garner, Jon Favreau, Ellen Pompeo Production : New regency Producteur : Arnon
Milchan, Gary Foster, Avi Arad Producteur exécutif
: Stan Lee, Bernie Williams Distributeur : UFD Sortie France : 19
mars 2003 Année : 2003 Durée : 1h45 Pays : USA