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  Loin du Paradis (c) D.R.

Le film, par ailleurs, se refuse à juger, à présenter ses personnages principaux de manière manichéenne, il ne tranche pas la réalité, il en rend la complexité – et ce, même s’il se situe à l’endroit même où se recyclent les préjugés. « Les plus beaux mélodrames, nous dit Todd Haynes, sont ceux où les personnages se font du mal sans le vouloir, simplement parce qu’ils suivent leurs désirs. ». Afin de ne pas simplifier la réalité, Haynes accorde en outre une importance égale aux acteurs et aux décors. Les saisons notamment sont autant chargées de sens que certains personnages, elles sont la toile de fond d’une histoire dont elles manifestent les fluctuations. Bien entendu, ce procédé est classique. Employé toutefois de manière ostentatoire, il fait songer au théâtre et à ses décors qui, de scènes en scènes, se transforment. L’automne (flamboyant – c’est aussi la naissance du désir) du couple cède la place à l’hiver, le décor de la crise. Le film se clôt sur l’image printanière et convenue d’une branche fleurie : un film de Capra n’est jamais dénué d’espoir, même s’il finit mal.

Far from heaven est également la chronique d’un hiatus entre les nécessités sociales et les désirs individuels : c’est le troisième point. Le hiatus est à la base même du cinéma moderne et ce dés les premiers films qui le fondent (songeons à Stromboli, à l’Avventura et à Monica, entre autres). Il est ce qui permet à la révélation d’advenir sur la pellicule. Ici Haynes procède de manière plus subtile qu’un Todd Solondz pour attirer notre attention sur l’écart qui réside entre un certain état de la langue (qui implique l’emploi d’expressions vides et figées et se caractérise par la prévalence de paroles phatiques) et la réalité (impossibilité de nommer, de révéler). Les mots ne servent plus à dire mais à éviter, ils sont les faux-fuyants qui, lorsque le scandale éclate, se transforment en silences embarrassés, voire en sanglots (le sanglot, à cet égard, est tout fait symptomatique de la limite du langage). Haynes attire ainsi notre attention sur le langage des mots et celui des images. Son regard est à la fois un appel à la prudence (nous savons depuis longtemps que le langage – quel qu’il soit – est fasciste), et une invitation à l’amour – celui du silence et celui de l’image, par laquelle le silence, soudainement, parle (songeons à ce plan long sur le visage de Cathy lorsque celle-ci apprend l’imminence de son divorce, ou encore à ce travelling arrière qui filme Raymond, abandonné par Cathy).

Loin du Paradis (c) D.R.

Nous ne pourrions conclure sans dire un mot de Julianne Moore qui tient le rôle principal du film. On pourrait lire ce film comme on lit un portrait peint tant le visage de Cathy est présent à l’écran (soit en gros plan, soit un plan américain). Aussi Julianne Moore est-elle dans ce film tout à la fois actrice et modèle : elle prend la pose et mime, à travers la transformation progressive de son visage (du sourire figé au regard amoureux en passant par l’effroi), son émancipation. Elle est ce regard qui, au début, voit sans toucher et qui, dans les derniers plans, se livre à ce qu’il voit.

Inutile de dire que Julianne Moore, dans ce rôle, est resplendissante. De Short Cuts à Magnolia, en passant par Boogie Nights, force est de constater qu’elle le fut (presque) toujours. Elle a d ‘ailleurs reçu à l’occasion de ce film le prix de la meilleure interprétation féminine au dernier festival de Venise.

Un film à voir et surtout à revoir, comme on feuillette un « Life ». Une merveille pour les yeux tout autant que pour l’esprit.




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Titre
 : Loin du paradis
Titre VO : Far From Heaven
Acteurs : Julianne Moore, Dennis Quaid, Dennis Haysbert, Patricia Clarkson, Viola Davis, James Rebhorn, Bette Henritze, Michael Gatson, Ryan Ward, Lindsay Andretta
Scénario et réalisation : Todd Haynes
Directeur de photographie : Edward Lachman, A.S.C
Musique : Elmer Bernstein
Montage : Jmaes Lyons
Création des décors : Mark friedberg
Création de costumes : Sandy Powell
Casting : Laura Rosenthal
Producteur : Christine Vachon, Jody Patton
Producteurs exécutifs : John Wells, Eric Robison, Tracy Brimm, John Sloss, Steven Soderbergh, George Clooney
Co-producteurs : Bradford Simpson, Declan Baldwin
Durée : 1h 47mn
Sortie : 12 mars 2003
Année : 2002
Pays : USA