Sous le flux d’allusions et l’apparente
banalité d’une course-poursuite, particulièrement enlevée
et transcendée par la mise en scène de Friedkin, le film va
plus loin et creuse plus profond. Ce jeu du chat et de la
souris invraisemblable mais saisissant est au final un prétexte
pour mettre en scène les relations étrangement tordues et
presque passionnelles entre un maître et son disciple. En
partant des scènes tonitruantes et spectaculaires du début,
Friedkin, cinéaste très malin pour ne pas dire manipulateur,
oublie l’esbroufe de sa scène d’ouverture, emprunte un autre
chemin et bascule dans l’intimisme. Dans un climat à la fois
intense et grotesque, les deux personnages principaux s’affrontent
comme pour se prouver qu’ils s’aiment. Tous les deux ne connaissent
que le langage de la violence, ce qui explique le mutisme
de Benicio Del Toro, personnage tellement bouleversé par la
guerre qu’il en est (presque) revenu déshumanisé et réduit
à l’état de bête. Chaque coup, chaque blessure que l’un reçoit
de l’autre résonne comme une preuve de respect et d’amour
quasi-paternel. On ne s’étonnera d’ailleurs pas de cette référence
religieuse implicite à Abraham où Dieu ordonne à ce dernier
de sacrifier son fils en témoignage de sa foi. On comprend
ainsi l’importance de la très belle scène des lettres où le
personnage de Tommy Lee Jones semble refouler les sentiments
qu’il éprouve envers son fils spirituel, celui qu’il considère
comme le meilleur mais qu’il est pourtant obligé de tuer.
Parallèlement à cela, les scènes de combat, sanglantes et
éprouvantes, sont de grands morceaux de bravoure qui assurent
le quota action du film. Ce qui est intéressant, c’est qu’on
peut les lire à différents degrés en étant libre d’y percevoir
ce qu’on veut.
Discrètement mais subtilement, le cinéaste distille un trouble
qui agite une intrigue convenue et un peu parasitée par des
personnages archétypaux à l’instar de la femme flic (dés)incarnée
par la pourtant séduisante Connie Nielsen. Mais ces maladresses
sont pardonnables tant le cinéaste signe là une œuvre faussement
conventionnelle, à la fois brutale et romantique, dans laquelle il
traque la bête qui sommeille en chacun de nous et rappelle
que les amours sont parfois un peu trop chiennes.
Titre : Traqué Titre : The
Hunted Réalisateur : William
Friedkin Scénario : David Griffiths,
Peter Griffiths, Art Monterastelli Acteurs : Tommy
Lee Jones, Benicio Del Toro, Connie Nielsen,
Robert Blanche, Ron Canada Musique originale :
Brian Tyler Directeur de la photographie
: Caleb Deschanel Montage : Augie Hess
Décors : William Cruse
Costumes : Gloria
Gresham Effets spéciaux :
ILM Producteurs : James
Jacks, Ricardo Mestres, Sean Daniel Producteurs exécutifs
: David Griffiths, Peter Griffiths, Marcus Viscidi Interdit aux moins de :
12 ans Sortie : 26 mars
2003 Durée : 1h 35mn