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  Kill Bill (c) D.R.

Certes, dans Kill Bill, il n’y a pas les soliloques désopilants de Samuel L. Jackson qui vantent les vertus d’un bon hamburger (Pulp Fiction) ni de discussions enfiévrées sur les meilleurs singles de Madonna (Reservoir Dogs). L’action et la mise en scène s’expriment au détriment des dialogues, même si ces derniers possèdent toujours une incroyable vitalité et un potentiel comique assuré. L’intérêt est simplement passé ailleurs : dans la forme notamment, qui affine les tics surexcités et les figures de style un peu figés du cinéaste qui commençaient à souffrir d’une légère redondance dans Jackie Brown.

Le mélange des genres (kung-fu, thriller, film de samouraï) est diablement excitant. A la base, il consiste à confronter les époques, les genres et les influences qui ont nourri la cinéphilie du réalisateur. Après la Blaxploitation auquel il rendait hommage dans Jackie Brown, le cinéma asiatique est au centre de ses obsessions. Cela ne date d’hier : plus jeune, Tarantino raffolait des séries avec David Carradine (qui joue Bill dans le film) et idolâtrait le cinéma des frères Shaw et de feu - Fukasaku. Par exemple, ce n’était pas un hasard si Reservoir Dogs, son premier long métrage, cachait un superbe remake stylisé du City on Fire de Ringo Lam.

Kill Bill (c) D.R.

Parallèlement, Tarantino s’amuse comme un fou avec des mouvements de caméra hallucinants, un sens du détail incroyable, une photo qui alterne noir et blanc et couleur et un scénario alinéaire. Tous ses éléments sont réunis lors d’une même scène, celle du restaurant, qui restera assurément dans toutes les mémoires pour son intensité et son indiscutable perfection formelle. Elle dure trente minutes et propose des combats pimentés d’excès sanglants et d’un humour acide hilarant à faire rougir le Braindead de Peter Jackson et Une Nuit en enfer de Robert Rodriguez. En fin de compte, cette longue séquence est si réussie qu’elle fonctionne à double tranchant : tout ce qui vient par la suite devient immédiatement fade même si cela reste de facture très acceptable. La seule et unique faiblesse du film s’avère la dernière scène de baston entre Uma Thurman et Lucy Liu qui, à défaut d’être parfaite, a la malchance de n’être qu’excellente.

Tous les films de Tarantino possèdent cette même propension à se révéler de plus en plus réjouissant au fur et à mesure qu’ils se dévoilent. Dans Kill Bill, plus l’intrigue progresse, plus elle gagne en profondeur. Il en est de même pour les personnages qui, pris au piège d’un engrenage de vengeance et de violence délétères, sont tous profondément ambigus et transcendent le clivage manichéen usuel (le bon contre le méchant) imposé par le genre. Tous ancrés dans une dimension plus tragique qu’archétypale, ils sont magnifiés par une interprétation d’exception : Uma Thurman excelle dans ce personnage de mariée sans nom (au propre comme au figuré), dont on ignore le passé et qui tente de masquer son humanité sous sa brutalité. Malgré des flash-back explicatifs, un mystère est entretenu tout le long pour que nous n’en sachions pas plus avant le prochain épisode. Lucy Liu s’illustre avec un brio hors pair dans un rôle délicieusement déjanté dont le passé est mis en image en animation. Même lorsqu’elle est au second plan, on ne voit qu’elle. Chiaki Kuriyama, la jeune rebelle dont on avait capté toute la puissance démoniaque dans Battle Royale ne fait que confirmer sa prédilection pour les rôles de folles furieuses.