Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     


 

 

 

 

 
affiche du fil "Mon voyage d'hiver" (c) D.R. MON VOYAGE D’HIVER
de Vincent Dieutre
Par Matthieu CHEREAU


SYNOPSIS : Vincent a quarante ans. Hanté par la figure de Schubert, cet homosexuel cultivé et fragile s’embarque avec son filleul Itvan pour un ultime et beau voyage : son voyage d’hiver. L’homme et l’adolescent traversent une Allemagne enneigée, battue par les vents et peuplées de fantômes. Entre blessures du passé et vastes chantiers de la réunification, l’homme tente de changer le regard d’Itvan sur ces villes, ces paysages, invoquant tout à tour l’histoire, la poésie, la musique… Au fil de ce parcours initiatique, fragmentaire et glacé, porté par les mélodies romantiques allemandes, l’homme voyage aussi à travers sa propre histoire. Nuremberg, Bamberg, Dresde… De retrouvailles avec d’anciens amants en rencontres de hasard, il laisse entrevoir à Itvan les traces de sa vie passée.  Berlin, la fin d’une histoire, ils doivent se séparer. Mais désormais un lien indéfectible les unit en secret. Itvan ne sera plus le même. La musique peut cesser.

....................................................................

POINT DE VUE

  Mon voyage d'hiver(c) D.R.

Ca commence comme dans une peinture. Puis peu à peu, la musique s’immisce dans l’image. L’image bouge et la voix, qui patiente un temps en marge de l’image, finit par y pénétrer. S’entame alors une danse entre l’image et le son, la voix propose un sens que la peinture, la musique, brouillent ou approfondissent, c’est selon. Le rythme fait son apparition, se manifeste ici est là, dans la diction d’un poème, le phrasé d’un lied. Rien n’est donné, ni l’homme qui tantôt se cherche dans un espace passé, tantôt se retrouve dans des visages présents, ni ce qui cerne cet homme et en un sens le guide. L’homme trace les contours de sa vie en même temps que ceux de son œuvre, explore les limites du monde qu’il traverse en créant non pas un autre monde, à distance, mais un monde en deçà du monde, qui en traduit le plus intime et peut-être le plus fragile secret.

Son regard ne parle ni d’une image ni d’une mélodie. Il se contente de regarder. Cela peut paraître absurde, mais c’est fondamental. L’homme qui habite mon voyage d’hiver se met en œuvre, non pas comme pourrait le faire un dandy en entamant un travail sur soi, mais au contraire en se dépouillant, en cherchant dans les paysages qu’il parcourt, les chants qu’il écoute, à découvrir sa part intime et à paraître ainsi nu, sous l’aile de cela même qui - à sa place et en son nom - parle et résonne. Reste alors un regard incandescent qui interpelle dans l’obscurité, un feu artificiel, rempli d’intention, mais qui contre toute attente sonne d’une justesse effarante parce qu’il fait corps avec l’image et que l’homme, à travers lui, dévoile notre part commune. Voyage d’hiver procède de ce paradoxe. Il parle d’histoires, d’images et de musiques, se charge de choses qui, loin de détourner de l’essentiel, permettent l’accès direct à quelque chose qui est à la fois de l’ordre de la perception et de l’ordre de la compréhension et que l’on appelle l’épiphanie. Vincent Dieutre parce qu’il se représente et s’affirme comme l’auteur d’une expérience - celle de la vie dans le creux de l’art, celle de la vie rendue par l’art - est celui qui demeure à l’égard de cette expérience esthétique primordiale l’un des plus fidèles et sincères serviteurs.