SYNOPSIS : Vincent
a quarante ans. Hanté par la figure de Schubert, cet homosexuel
cultivé et fragile s’embarque avec son filleul Itvan pour un
ultime et beau voyage : son voyage d’hiver. L’homme et
l’adolescent traversent une Allemagne enneigée, battue par les
vents et peuplées de fantômes. Entre blessures du passé et vastes
chantiers de la réunification, l’homme tente de changer le regard
d’Itvan sur ces villes, ces paysages, invoquant tout à tour
l’histoire, la poésie, la musique… Au fil de ce parcours initiatique,
fragmentaire et glacé, porté par les mélodies romantiques allemandes,
l’homme voyage aussi à travers sa propre histoire. Nuremberg,
Bamberg, Dresde… De retrouvailles avec d’anciens amants en rencontres
de hasard, il laisse entrevoir à Itvan les traces de sa vie
passée. Berlin, la fin d’une histoire, ils doivent se séparer.
Mais désormais un lien indéfectible les unit en secret. Itvan
ne sera plus le même. La musique peut cesser. |
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POINT DE VUE
Ca
commence comme dans une peinture. Puis peu à peu, la musique
s’immisce dans l’image. L’image bouge et la voix, qui patiente
un temps en marge de l’image, finit par y pénétrer. S’entame
alors une danse entre l’image et le son, la voix propose un
sens que la peinture, la musique, brouillent ou approfondissent,
c’est selon. Le rythme fait son apparition, se manifeste ici
est là, dans la diction d’un poème, le phrasé d’un lied. Rien
n’est donné, ni l’homme qui tantôt se cherche dans un espace
passé, tantôt se retrouve dans des visages présents, ni ce
qui cerne cet homme et en un sens le guide. L’homme trace
les contours de sa vie en même temps que ceux de son œuvre,
explore les limites du monde qu’il traverse en créant non
pas un autre monde, à distance, mais un monde en deçà du monde,
qui en traduit le plus intime et peut-être le plus fragile
secret.
Son
regard ne parle ni d’une image ni d’une mélodie. Il se contente
de regarder. Cela peut paraître absurde, mais c’est fondamental.
L’homme qui habite mon voyage d’hiver se met en œuvre,
non pas comme pourrait le faire un dandy en entamant un travail
sur soi, mais au contraire en se dépouillant, en cherchant
dans les paysages qu’il parcourt, les chants qu’il écoute,
à découvrir sa part intime et à paraître ainsi nu, sous l’aile
de cela même qui - à sa place et en son nom - parle et résonne.
Reste alors un regard incandescent qui interpelle dans l’obscurité,
un feu artificiel, rempli d’intention, mais qui contre toute
attente sonne d’une justesse effarante parce qu’il fait corps
avec l’image et que l’homme, à travers lui, dévoile notre
part commune. Voyage d’hiver procède de ce paradoxe.
Il parle d’histoires, d’images et de musiques, se charge de
choses qui, loin de détourner de l’essentiel, permettent l’accès
direct à quelque chose qui est à la fois de l’ordre de la
perception et de l’ordre de la compréhension et que l’on appelle
l’épiphanie. Vincent Dieutre parce qu’il se représente et
s’affirme comme l’auteur d’une expérience - celle de la vie
dans le creux de l’art, celle de la vie rendue par l’art -
est celui qui demeure à l’égard de cette expérience esthétique
primordiale l’un des plus fidèles et sincères serviteurs.
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