Mais il est clair que Good Bye
Lenin ! ne met pas en scène toutes les facettes de la
vie en RDA. Le film de Wolfgang Becker parle du quotidien
de citoyens moyens. Les parents ont trouvé leur place dans
le système, le père était ingénieur avant de fuir à l'Ouest
avec sa maîtresse, la mère était professeur et directrice
d'une association militante pour la jeunesse. Leurs enfants
rêvent de liberté mais gentiment. Les Enfants de la colère
creusent un autre terreau, celui des habitués des squats,
des jeunes perdus qui errent dans cette société communiste
qu'ils rejettent. Et, d'ailleurs, le traitement diffère
du fait de cette cible narrative décalée. Là où Wolfgang
Becker livre un film doux amer, Winfried Bonengel réalise
un long teigneux où la violence est omniprésente. Viols
en prison, virée anti-squatters menées par les néo-nazies
qui se termine par la mort d'une jeune allemande d'origine
turque, passage à tabac final qui provoque la mort de Tommy...
Good Bye Lenin ! et Les Enfants de la colère
sont donc les deux versants d'un même épisode historique.
Le versant éclairé, tout aussi abrupt que son compère, mais
plus aéré. Le versant ombragé, plus froid, plus rude. Winfried
Bonengel a composé chacun des éléments de son film dans
ce sens. Les deux acteurs principaux - Christian Blümel
et Aaron Hildebrand - sont des novices. Deux jeunes, recrutés
sur casting par Winfried Bonengel. Et le résultat est plus
que réussi, ces deux comédiens interprétant avec une grande
justesse des rôles pas forcément des plus faciles. La réalisation
est synchrone, avec de forts relents documentaristes, notamment
une photographie très crue. Rien de bien étonnant pour un
cinéaste qui pendant des années s'est illustré dans ce genre
filmique. C'est d'ailleurs en suivant des groupes néo-nazis
au cours de l'un de ses projets que l'idée des Enfants
de la colère a germé dans son esprit.
Au diapason de cette démarche volontiers
rugueuse, la musique de Loek Dikker instaure un climat lourd
à coups de violons lancinants et d'orchestration tendue.
En clair, tout concoure à mener Les Enfants de la colère
dans cette veine réaliste qu'a choisie Winfried Bonengel.
Son travail ne manque pas de faiblesse : ce n'est que sa
première fiction et il n'a pas pu compter sur un budget
mirobolant pour un projet tout de même assez ambitieux.
Et cela s'en ressent un peu dans des baisses de rythme qui
altèrent un peu le cours du récit. Mais, malgré ces petits
ratés, un sentiment indéfinissable vous prend à la gorge
et indique à votre cerveau que Les Enfants de la colère
est un film important. Peut-être parce qu'il parle de l'histoire
de son pays, chose rarement vue en France. Peut-être parce
que le fait de filmer ces épisodes douloureux de la mémoire,
et donc de les remettre dans le débat public, permettent
- quand l'honnêteté intellectuelle est présente même teintée
de subjectivité - de refermer ces cicatrices.
Titre :
Les Enfants de la colère Réalisateur
: Winfried Bonengel Acteurs
: Christian Blümel, Aaron Hildebrand, Jule Flierl,
Luci Van Org, Harry Baer, Dieter Laser Scénario
: Winfried Bonengel, Douglas Graham, Ingo Hasselbach Direction de la photographie
: Franck Barbian Montage
: Monika Schindler Musique
: Loek Dikker Décors
: Thomas Stammer Production
: Clementina Hegewisch, Laurens Straub Festival :
Venise 2002, Festival Toronto 2002, Festival Sao
Paulo 2002 Format :
35 mm, couleur Durée
: 1 h 45 Année :
2002