Tantôt suivant une logique, tantôt
suivant une autre (suivre la trace des animaux ou se repérer
par rapport au soleil). Même si les dialogues sont réduits
à presque au néant, on peut suivre l’évolution de la relation
entre les deux amis. Une évolution vers la domination très
masculine de l’un (Matt Damon) et le glissement vers la soumission
féminine de l’autre (Casey Affleck). L’épilogue tragique n’en
sera que l’illustration extrême. Tentant au départ de s’entendre
parfaitement sur la stratégie à adopter, les avis divergent
et la dynamique de couple se met en place : le soumis
tente de donner son avis mais il est obligé de se plier aux
bons vouloir de son maître. Un plan illustre somptueusement
ce point : la caméra suit les deux visages de Damon et
d’Affleck de profil. Les bruits des pas. Tantôt parfaitement
en rythme, tantôt en opposition, la longueur d’onde diffère
entre les deux compères. Les visages. Tantôt au même niveau,
tantôt décalés, la vitesse d’évolution n’est plus accordée.
Alors quelle est la logique ? On peut y voir, tout comme
dans Elephant l’illustration d’une condition humaine
vouée à l’autodestruction, une incapacité constitutive de
l’homme de vivre avec son prochain. Si dans les apparences
de la vie quotidienne les deux Gerry sont amis, dans une situation
extrême les instincts les plus primaires, et les plus naturels,
ressortent et prennent le dessus sur la civilisation.
LOST IN CIVILISATION
L’écrin de ce propos n’est pas
différenciable, la nature désertique étant certainement
le personnage principal du film. Gus Van Sant a choisi,
encore une fois avec les deux acteurs principaux, le désert
argentin et la vallée de la mort comme décor pour son
film. Des montagnes, des dunes ou des étendus plates,
le désert est autour des Gerry et aucun point de repère
n’est à disposition. Seule l’étoile jaune sur fond noir
du T-Shirt de Casey Affleck, véritable pendant du taureau
noir sur fond jaune d’Elephant, semble indiquer
un chemin ; celui vers l’être… Véritables symboles
d’une civilisation à la dérive, les deux protagonistes
évoluent dans un environnement magnifié par la réalisation
et la photographie.
Gus Van Sant filme avec des plans
longs et léchés la montagne, les nuages puis transforme
son film en délire exclusivement sensoriel : abstraction
et divagation deviennent règle tant dans la tête des personnages
que sur l’écran. La scène la plus marquante arrive en
fin de film avec Affleck et Damon en ombre chinoise, marchant
dans une direction que le spectateur ne peut même pas
déterminer, avec en toile de fond la montagne et l’aube,
ainsi que le piano jouant des notes presque de manière
aléatoire mais avec un effet hypnotisant certain. Moment
cinématographique rare s’il en est.
Titre
: Gerry Réalisateur :
Gus Van Sant 1er assistant réalisateur
: Dany Wolf Scénaristes
: Matt Damon, Casey Affleck, Gus Van Sant Acteurs
: Casey Affleck, Matt Damon Directeur de la photographie
: Harris Savides Montage
: Paul Zucker Musique
: Arvo Part Mixage
: Felix Andrew Production
: Dany Wolf Producteur associé :
Jay Hernandez Distribution
: MK2 Diffusion Date de sortie
: 03 Mars 2004 Durée
: 1h 43mn Année
: 2002