Le film de De la Iglesia hésite
alors entre différents tons, différents traitements, qui
ne sont pas tous compatibles. Le comique à répétition –
« Le Pendu » (Eduardo Gómez) jamais décroché de
la corde, le mauvais timing d’Arrastrao (Enrique
Martinez)… – se révèle à la longue bas de gamme et lassant.
Les scènes orgiaques au cabaret, la nudité facilement montrée,
le nihilisme bon enfant de certaines attitudes des cascadeurs
coulent de source au regard de la permissivité de la censure
espagnole, là où le MPAA (2) aurait décidé d’un classement
“R” (3) en vue d’une sortie américaine (4). Les scènes d’action
et d’opposition avec les forces de l’ordre finissent de
faire basculer le film dans un patchwork rendant
maladroitement hommage à Clint Eastwood, tombant surtout
dans la grosse comédie que l’on qualifierait de « franchouillarde »
si le film était français. À ce sujet, on pourra voir dans
la mise en déroute des forces de l’ordre, certes momentanée,
le substrat « anti-fonctionnariat » de bon nombre
de productions EuropaCorp, où les autorités sont mal organisées
et ridiculisées. À cela s’ajoutent les regrets de Julián
et ses collègues à l’égard du cinéma bis d’antan
sur un ton largement passéiste.
Reste une histoire qui a le mérite d’être très originale.
Tout spectateur devrait rire au moins une fois aux premières
pitreries de 800 Balles. Certains seront peut-être
séduits par les séquences émotionnelles avec Carlos ou Julián,
le caractère social de la rébellion des futurs chômeurs,
décèleront dans le film toute une symbolique renvoyant aux
fantasmes sur le Far West qui nourrissent l’imaginaire
des « enfants » du film, petits et grands, jusqu’à
ce que la réalité rattrape les rêveurs égarés. Hélas, ni
les passages mélancoliques, ni les humoristiques ne se révèlent
convainquants.
(1) Pourtant, la
fugue du jeune garçon est indispensable au déroulement
de l’histoire… (2)
Signifie Motion Picture Association of America.
Organisme non étatique chargé des classifications
cinématographiques aux États-Unis : “G”,
“PG”, “PG-13”, “R” et, depuis 1990, “NC-17”. (3)
Signifie Restricted en anglais. Classification
américaine correspondant à une interdiction aux
moins de 17 ans non accompagnés. Un langage ordurier
un peu trop présent peut suffire pour qu’un film
soit concerné par cette classification. Autant
dire que dans le cas de 800 Balles, la
scène où Carlos découche en compagnie de la prostituée
Sandra (Yoima Valdès) aurait certainement beaucoup
de mal à passer ! (4) D’après
les renseignements accessibles sur IMDb.com, le
film ne serait pas sorti outre-Atlantique. Seule
l’interdiction (ou recommandation, si c’est comme
en Espagne) argentine, aux moins de 13 ans, est
recensée.
Álex de la Iglesia :
Né en 1965 à Bilbao, il se passionne dès l’adolescence
pour le 9e Art, dessinant et publiant
des bandes dessinées pour différents magazines.
Après des études de philosophie, il perfectionne
sa culture cinématographique en se nourrissant
de films de genre. Son talent pour le dessin l’amène
bientôt à travailler comme directeur artistique
pour la télévision et sur Todo por la pasta
d’Enrique Urbizu (1990). De la Iglesia est l’auteur
d’un premier court-métrage : Mirindas
Asesinas (1991). Action mutante (Acción
mutante, 1992), son premier long, est produit
par la société de Pedro Almodóvar, El Deseo SA.
Le Jour de la Bête (El Día de la Bestia,
1995) attire près d’un million et demi de spectateurs
en Espagne. Perdita Durango (1997), tourné
en espagnol et en anglais, prend comme héroïne
éponyme un personnage secondaire du Sailor
& Lula de David Lynch (Wild At Heart,
1990). La comédie sanglante Mes chers voisins
(La Comunidad, 2000) remporte également
un grand succès. 800 Balles (800 Balas,
2002), qui ne sort qu’aujourd’hui en France, est
le premier long de De la Iglesia produit par sa
propre maison de production, Panico Films. Si
Muertos de risa (1999) est toujours inédit
chez nous, le réalisateur basque achève en ce
moment même El Crimen ferpecto [NDA :
l’inversion du “f” et du “p” est volontaire].
Tous les films d’Álex de la Iglesia sont élaborés
avec son ami d’enfance Jorge Guerricaechevarría
à l’écriture…
Titre : 800
Balles Réalisateur
: Alex de la Iglesia Scénaristes
: Alex de la Iglesia, Jorge Guerricaechevarria Acteurs
: Sancho Gracia, Angel de Andres Lopez, Carmen
Maura, Terele Pavez, Eusebio Poncela, Luis Castro Compositeur :
Roque Banos Directeur de la photographie :
Flavio Martinez Labiano Producteur associé :
Maria Angulo Production
: Panico Films Distribution
: CTV International Sortie :
14 avril 2004