L’humour belge d’abord, dans son versant
absurde et farceur mâtiné de surréalisme, que souligne la
présence de l’inénarrable Noël Godin (avec lequel Delépine
avait commis Grabuge : 10 réjouissantes façons de
planter le système) et la brève participation du génial
Poelvoorde, composant ici un nouveau personnage de « bas
du front » médiocre infiniment odieux, terriblement
humain. Sans oublier quelques instants vérité où l’improvisation
et le naturel des « acteurs » évoquent les meilleurs
moments de Strip-Tease.
L’humour scandinave aussi. C’est en effet sous le patronage
d’Aki Kaurismaki (d’où la destination finnoise de cette
odyssée drolatique) que s’inscrit cette œuvre. Personnages
barrés jusque dans leur banalité, vent qui hulule, lenteur
des prises de vue, gags décalés, tout y est. Et l’acteur
belge Bouli Lanners, auquel on doit une performance vocale
hilarante, n’est pas sans évoquer la silhouette des Leningrad
Cowboys.
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On s’étonne qu’un film qui ait fait la
part si belle au dilettantisme, à la paresse, au mépris
du travail et des règles, à la liberté, au laisser-faire
et au hasard soit en définitive d’une si grande cohérence.
Qu’on se précipite donc voir Aaltra qui, s’il a l’intelligence
de ne pas tomber dans le militantisme gueulard, n’en demeure
pas moins un bel acte de résistance. Résistance à la couleur,
aux images polies (qu’il s’agisse de politesse comme de
polissage numérique), résistance à la bêtise du politiquement
correct et du comique troupier. Film qui résiste aussi aux
comédies actuelles dont les castings prestigieux et l’éclat
pompier ne parviennent pas à masquer l’indigence crasse,
le manque d’humour, la pauvreté d’inspiration. Un film qui
nuit à l’angélisme nigaud comme au cynisme méprisant, à
l’optimisme béat comme à la délectation morose. Un film
qui roule en somme.