Tarnation est comme un tableau
de Warhol. Il re-colorise ce qu’il voit. Il fait de tous ceux
qui passent devant l’objectif des icônes, même si ce sont
des icônes pourries. Lui qui ne ressent pas le monde dans
lequel il vit comme réel, qui ne ressent pas même son propre
corps comme étant réel, tente de reconstituer une réalité,
de crier une vérité qui n’a pas lieu d’être. Au fur et à mesure
de son enquête, les pistes se brouillent, plus rien n’est
clair. Sa mère accuse ses parents de l’avoir battue, voire
abusée sexuellement, tout en se proclamant la fille naturelle
d’Elisabeth Taylor. Mais le film de Jonathan n’est pas un
documentaire, en témoignent les interrogatoires ratés de ses
grands-parents. Croit-il lui-même être à la recherche de la
vérité ? Il semble qu’il ne cherche qu’à montrer la seule
vérité qui soit : celle de la fiction. Est vérité que
ce qui est accepté comme telle, c’est bien ce que dénonce
la maladie de sa mère et la sienne, qu’on l’appelle dépersonnalisation
ou schizophrénie. Alors Jonathan peut tout tester : montage
de sons et d’images fixes ou en mouvement, multiplication
des images, split-screen, séquences expérimentales, explosions
de couleurs. Le film est à l’image de son auteur, de celui
dont le rêve le plus cher était de jouer dans la comédie musicale
Hair (rêve qu’il a d’ailleurs réalisé), de celui dont
le véritable besoin n’est pas de reconstituer une histoire,
mais de crier au monde qu’il est un individu particulier,
une personnalité. Après avoir récupéré sa mère chez lui, après
avoir accompli sa quête, Jonathan tente de se filmer lui-même,
non comme à l’âge de 11 ans où il jouait véritablement, mais
afin de dire ce qu’il ressent vraiment, de recueillir lui-même
son témoignage. Mais la tentative échoue. Jonathan retrouve
la voix et les intonations de ses 11 ans. Il joue, mais en
a-t-il conscience ? Le seul qui ne parvienne pas à vivre
sa vie sans la jouer, ne serait-ce pas lui, le réalisateur ?
Il éteint la caméra sans pouvoir rien dire, et nous présente
cette faiblesse, dénonce le fait que le film qu’il va réaliser
n’est pas tout à fait du réel sans être tout à fait de la
fiction.
Titre :
Tarnation Scénariste, monteur
et réalisateur
: Jonathan Caouette Acteurs :
Jonathan Caouette, Renée LeBlanc, David Sanin
Paz, Rosemary Davies, Adolph Davies Producteurs exécutifs :
Gus Van Sant, John Cameron Mitchell Producteur :
Stephen Winter Sortie :
le 10 novembre Durée :
88 minutes