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La scène de cul avec Rocco est détournée et transformée en don de soi de la part de l’homme, vulnérable et inquiet du plaisir qu’il peut créer. L’enfer chez la réalisatrice est la mécanique des corps répétant à en crever le même geste obscène, l’indifférenciation des queues la norme où la femme est coupée littéralement en deux blocs sexuels : le coït et la mise à bas. Le spectacle pornographique fait peur. Une séquence effrayante par sa puissance néfaste représente un no man’s land du cinéma X, l’image rouge et brûlante d’un espace incertain où pullulent des membres en érection continue pénétrant des sexes grands ouverts, des jambes féminines découpées sortant du mur. Voilà. La femme est un trou dans le mur que l’homme est tenu d’enfoncer et de pénétrer, besognant cet étal de chair. Le visage des femmes est de l’autre côté du mur, tendu vers le regard du père assis, leur tenant la main dans cet autre monde blanc et clinique. Il est clairement question d’accouchement et l’on retrouve la figure duale de la pute et de la mère  (l’insulte suprême pour tous les gosses : ta mère est une pute !), toutes deux découpées, morcelées par ce mur fabriqué de la main de l’homme. Ces mains encore farfouillant son sexe, toison noire vivante. Des mains de cliniciens gynécologues où, à la chaîne, ils défilent et enfilent leurs doigts plastifiés dans le trou sombre de marie la fécondée. L’enfer est encore masculin, aseptisé, scientifique. Curieusement, comme par magie, Marie le trou retrouve sa pleine vérité de femme car elle fut triturée et morcelée. C’est très curieux, il faut apparemment passer par ce découpage corporel excessivement ritualisé et dépersonnalisé pour atteindre l’unité psychique et sensitif. Je dois avouer que cette scène me fut la plus douloureuse. Un réel malaise physique que toute femme ressent. Catherine Breillat n’épargne personne.

  Sauvage Innocence (c) D.R.

Avec ce film, je comprends que la pornographie est le déchirement de la femme, de son cul et de son visage, elle est vissée à son état de trou qui aspire ou expulse. Les sensations ne me sont plus fades et molles comme je peux l’éprouver pour un film porno standard (femme standard...) mais tendues, tiraillées par la peur, le malaise devant cet enfer humain. La chair, voie physique sans issue, où l’infini, jusqu'à la mort, de la jouissance ne se résout que partiellement dans la logorrhée de la femme. D’ailleurs cette absolue de la béatitude charnelle, Marie la vit non pas dans son con dans mais dans tout son corps-instrument, corps-sculpture, corps-jouet, tordu et enlacé dans ses cordages multiples et variés, femme chorégraphique, sublime création vivante agencée avec minutie et précision tendre par son maître Robert. La menace advient dans le moment très particulier où le regard est déstabilisé, où le corps de Marie s’envisage hors de son envisagement lors de la visite clinique par exemple. La pornographie rompt le visage, elle le sépare du corps, s’isole du récit pour se mouvoir dans l’in-humain, dans l’abolition de l’humaine condition. Marie refuse ce décrochage, elle veut être celle qui présente et représente. C’est une question de pouvoir fatalement. Pouvoir de l’image, pouvoir du verbe. Le sexe et le cul de Marie s’affranchissent de la main de l’homme, elle est indocile car elle a un visage et elle parle. Aux images montrées avec parcimonie, elle substitue sa parole active, son corps changeant tendant à associer son sexe, sa sexualité et son âme. Barthélémy Amengual écrivait dans son analyse du cinéma porno qu’au discours, le cinéma porno préférait la scène et même à la représentation, la présentation (...) qu’il oubliait qu’il pouvait être un langage, le langage d’un art (5). Le film Romance impose un monde où le cul et le visage se vivent ensemble, sans hypocrisie, mais dans toute sa splendeur.

Je voudrais finir sur une phrase d’Emmanuel Lévinas, homme qui me touche profondément : quelqu’un qui s‘exprime dans la nudité - le visage - est un au point d’en appeler à moi, de se placer sous ma responsabilité : d’ores et déjà, j’ai à répondre de lui. Tous les gestes d’autrui étaient des signes à moi adressés. Autrui qui s’exprime m’est confié ( et il n’y a pas de dette à l’égard d’autrui - car le dû est impayable : on n’est jamais quitte ). Autrui m’individue dans la responsabilité que j’ai de lui. (6)



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Site de John B. Root : www.explicite.com




1)  “ du cinéma porno comme Rédemption de la réalité physique ” dans Du Réalisme au Cinéma de Barthélémy Amengual, p.847, ed.Nathan 1998
2) Le Livre de l’Intranquilité de Fernando Pessoa, p.37/38, ed.Christian Bourgeois 1998
3) L’Inestimable Objet de la Transmission de Pierre Legendre, p.54, ed.Fayard 1993
4) Le Temps et l’Autre d’Emmanuel Lévinas, p.83 ed. PUF 1979
5) opus cité, p.847
6) Dieu la Mort et le Temps d’Emmanuel Lévinas, p. 21, ed. Le livre de Poche 1978