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Catherine Breillat a, je pense, réussi à transcrire ça. Elle répond, dans son dernier film Romance, à tous les réalisateurs de porno et, plus secrètement à Jean Eustache. Il y a Marie la femme qui aime Paul son mari, froidement beau et qui ne la baise plus. C’est une histoire d’amour, d’un con mal aimé, pas baisé, d’une assoiffée de mots encore et encore. De la quête de soi au travers d’expériences sexuelles et philosophiques, de la rencontre de l’âme et du cul. Marie va vivre un trajet initiatique fondateur de son identité. Cela passe par le baise anonyme avec un inconnu Paolo (l’érotique latine), l’envers exotique parfait de son mari Paul. Paolo est interprété formidablement par Rocco Siffredi, l’homme au quatre mille partenaires, éminemment émouvant dans la sincérité de son jeu pudique car innocent dans l’offre de soi. Idéalement membré, l’acteur donne en toute humilité son sexe tendu comme seule et formidable vérité de son être. Il y a enfin Robert, maître de cérémonie sadien, celui qui attache sans attacher. Le film est le récit raconté de /par Marie, décortiquant à l’envie sa recherche de vie ; où l’oralité permanente fait le lien sexuel et métaphysique avec le corps du récit cinématographique. La réalisatrice, comme Eustache heurte frontalement la question de la représentation du sexe à l’écran. Avec rage et pudeur dans sa volonté de démontrer la femme en tant qu’organe pornographique au regard de tous les hommes. Marie s’offre aux autres sauf à elle-même, le film sera l’histoire de ce cheminement de soi pour soi. Par sa farouche détermination à aller jusqu'à l’obscénité du plaisir, Romance touche à la poésie du premier regard sur la femme. Car enfin, c’est tout ça que hurle le film : regardons avec les yeux de l’enfance notre cul.

Sauvage Innocence (c) D.R.

Il n’est absolument pas indifférent que Marie soit maîtresse d’école, elle vit tous les jours la vérité du regard et du rêve de l’enfant. La cruauté aussi, non sans malice et tendresse. Il y a une très belle scène d’amour avec Robert, par ailleurs directeur de son école. Il orchestre le corps de Marie, belle dans sa robe rouge sang. Elle attend complice les cordes qui vont la lier, les foulards la bâillonner. Il s’empêtre dans les différents cordages et gadgets rangés pêle-mêle dans un grand coffre en bois, coffre à jouets, aux mille trésors excitant notre enfantine curiosité. Je me souviens avoir souri de tendresse et de complicité rieuse devant la fine intelligence de Catherine Breillat. Où les adultes avec leurs jeux sexuels ne sont pas si étrangers du monde des enfants, fait de peur, de mal, de violence, d’excitation à s’attacher mutuellement, de rituels très forts dans la mise en place des rôles et des enjeux qui restent en nous comme autant de souvenirs inconsolés, d’un temps à jamais révolu. Il n’est pas étonnant de retrouver Robert lorsque Marie accouche seule, il est devenu son plus bel ami durant toutes ces séances érotiques, lui apprenant à réapprivoiser son corps et restaurer son plaisir par la matérialité drue des cordes du foulard serré fort, de la boule enfoncé dans la bouche. S’adonnant avec une grande facilité, je dirai même un tendre renoncement, Marie a su s’offrir à elle-même. Aucune actrice porno n’est parvenu à atteindre ce degré de tendresse, me touchant violemment. Et paradoxalement, lors de la fameuse scène de masturbation féminine, séquence obligé de tout film X, Marie donne à voir un immense dos anxieux, semblant s’offrir aux regards concupiscents de chair. Elle est absente, malsaine dans sa solitude que nous ne pouvons que regarder et subir muets.