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Mission to Mars (c) D.R. MISSION TO MARS
de Brian de Palma
Par Roland KERMAREC



" 2020, l'Odyssée mélancolique d'un troubadour de l'Espace : De Palma invente le lai galactique "


Il paraissait inévitable qu’un scénariste hollywoodien en panne d’idée originale s’empare un jour de la surprenante anomalie géologique de la planète Mars qui a troublé la communauté scientifique voici quelques années, de la même façon que ses prétendus canaux ont nourri l’imagination des écrivains de science-fiction un siècle plus tôt, à commencer par H.G. Wells et sa célèbre Guerre des Mondes. C’est en effet en 1976 que la sonde Viking I découvrit le fameux site martien où apparaissait un massif montagneux dont le relief évoquait de façon étonnante un visage humain, mirage martien engendré en fait par un simple jeu d’ombres mais qui révélait une fois de plus la permanence de nos fantasmes à propos de l’existence d’une vie extraterrestre sur la planète rouge.

  Mission to Mars (c) D.R.
Un vol habité vers la planète jumelle de la Terre est fortement improbable dans l’immédiat, la conquête de l’espace ayant perdu les enjeux politiques qu’elle pouvait avoir au moment des expéditions lunaires : les réalisateurs de films d’anticipation semblent donc avoir encore de beaux jours devant eux lorsqu’ils décident de tenter d’imaginer notre avenir plus ou moins proche. Il demeure toutefois un obstacle contre lequel ils ne peuvent guère lutter quand ils souhaitent retracer les péripéties d’un vol au long cours : celui de voir leur œuvre immanquablement jugée à l’aune de ce qui demeurera longtemps encore comme LA référence absolue en termes de Space-Opéra, 2001, l’Odyssée de l’Espace. La comparaison paraît inégale d’entrée de jeu, tant il faut se demander si le premier vol habité interplanétaire, lorsqu’il aura effectivement eu lieu, ne fera pas lui aussi pâle figure à côté du chef d’œuvre de Stanley Kubrick, qui a fixé dans les esprits l’image d’un voyage spatial empreint à la fois de technologie et de lyrisme.

En l’occurrence, un rapprochement entre les œuvres respectives de Brian de Palma et de Stanley Kubrick se révèle vite plus riche que nous pourrions le penser au premier abord. En effet, si l’on a souvent coutume d’évoquer les films d’Hitchcock, cet Anglais exilé en Amérique, pour analyser les longs métrages de De Palma (Body Double est un hommage non déguisé à Sir Alfred), il faut également souligner que son travail incessant sur les genres cinématographiques l’affilie à Stanley Kubrick, cet Américain exilé en Angleterre. Tous deux se sont employés à imprimer leur marque dans des genres aussi codifiés que le film de guerre, avec Full Metal Jacket en 1987 et Casualties of War (Outrage) en 1989, avec un léger décalage par rapport à toute une série de films qui ont exploité le filon sur la guerre du Viêt-nam (à commencer par Platoon d’Oliver Stone ou The Deer Hunter (Voyage au bout de l’Enfer) de Michael Cimino. Kubrick et De Palma ont également adapté avec succès des romans fantastiques du prolixe Stephen King, en dépassant la simple mise en images d’un best-seller (The Shining et Carrie). Cette filiation se poursuit aussi au niveau de la structure même de leurs scénarios : ainsi, The Killing (L’ultime razzia) comme Carlito’s Way (L’impasse) ne distillent une telle atmosphère d’impuissance des personnages à modifier leur destin que parce que la fatalité implacable pèse lourdement sur les épaules de leurs héros dès le générique.