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Brian De Palma (c) D.R.
Même si l’on décèle une prédilection particulière de la part de De Palma pour les films policiers ou les films fantastiques, il faut donc surtout souligner son désir de travailler les différents genres de l’intérieur, à la manière de Kubrick, la différence majeure dans cette approche des genres résidant probablement, pour les deux réalisateurs, dans le matériau à l’origine de leurs films respectifs. On sait que la quasi-totalité des films du réalisateur de Eyes Wide Shut était basée sur des romans ou des nouvelles, qui n’étaient d’ailleurs pas toujours portés au pinacle par la critique littéraire. Brian de Palma, quant à lui, s’appuie avant tout sur ses références cinématographiques, adaptant pour le grand écran des séries comme Les Incorruptibles ou Mission Impossible en essayant à la fois de condenser et de dépasser les qualités propres à ces produits télévisuels, ou transposant dans un contexte différent l’intrigue de chefs d’œuvre passés dans le patrimoine cinématographique, à l’occasion de Phantom of the Paradise, nouvelle adaptation étonnante du Fantôme de l’Opéra, ou encore de Blow Out et de Scarface, qui revisitaient avec inventivité les films de Michelangelo Antonioni et Howard Hawks. Cette tendance à la transformation de films existants est à l’origine d’un certain malentendu à l’égard de De Palma, puisqu’il est aisé de constater que son travail va bien au-delà des simples remakes hollywoodiens, dont l’unique vocation est d’insuffler une apparente modernité dans des scénarios anciens afin de permettre à des films de trouver un nouveau public (qui ne connaît généralement pas l’œuvre originale…)

Puisqu’il aime comme Kubrick se confronter aux genres, il n’est finalement pas si étonnant que Brian de Palma ait accepté de s’attaquer à un univers cinématographique qui lui était inconnu : la science fiction et donc, à l’intérieur de celle-ci, le Space-Opéra. A l’instar de Mission Impossible, il faut toutefois préciser que Mission to Mars est un film de commande, sur lequel de Palma est de plus intervenu relativement tard, puisque les préparatifs du tournage étaient quasiment terminés lorsque le producteur a fait appel à ses services. Ceci peut expliquer certains choix radicaux sur lesquels nous allons revenir et qui font que l’on ne peut effectivement pas assister à la projection du film sans songer à 2001 sans toutefois que cela soit finalement toujours péjoratif, de la même façon que l’on ne peut s’empêcher de penser à Antonioni à la vision de Blow Out : plutôt que de biaiser en essayant d’éviter totalement l’obstacle constitué par 2001, De Palma a préféré conserver son point de vue habituel sur le processus de création en réalisant une variation sur le thème de la rencontre d’une intelligence extra-terrestre.

  Mission to Mars(c) D.R.
Il faut cependant reconnaître que le pari n’est pas complètement réussi : avouons que, au-delà de la gageure technique que constitue le plan séquence initial, procédé cher à De Palma et qui fait la joie des amateurs de prouesse de mise en scène (on se souvient que la campagne de lancement de Snake Eyes était souvent orchestrée autour de son plan séquence d’ouverture qui durait près d’un quart d’heure), voir dans le prologue Tim Robbins brandir une saucisse en plein barbecue n’a pas la même puissance symbolique et poétique que de voir un singe brandir un os en plein désert pour en faire un outil, premier signe d’une intelligence humaine… Plaisanterie mise à part, cette tendance à la virtuosité technique plombe lourdement un grand nombre de séquences où la mise en scène est non seulement visible nettement mais aussi revendiquée comme telle, masquant par conséquent l’intrigue. Ainsi, puisqu’il a choisi (et il fallait l’oser !) de réaliser une séquence durant laquelle nous découvrons l’intérieur d’un module spatial circulaire en rotation (ceci afin de supprimer artificiellement les effets de l’apesanteur) par le point de vue d’un personnage, il se heurte fatalement à une des séquences les plus célèbres du film de Kubrick, qui avait déjà à l’époque suscité un grand nombre de gloses techniques. Dès lors, pour tenter de faire oublier 2001, De Palma joue la carte de la surenchère en empilant les difficultés de mise en scène d’un tel plan : loin d’isoler son personnage, il multiplie dans chaque coin de l’image de petites niches où se logent d’autres cosmonautes évoluant dans des dimensions différentes, le comble étant atteint lorsque notre guide décide sans la moindre raison d’ôter sa veste afin que tout un chacun puisse bien vérifier que l’acteur n’est pas le moins du monde à l’envers, la veste pendant mollement vers le sol comme tout vêtement qui se respecte. D’autres procédés sont calqués sans la moindre vergogne sur L’Odyssée de l’Espace, à commencer par le décor dans lequel finissent par entrer nos courageux explorateurs et dont la blancheur immaculée ne peut que rappeler les pièces au carrelage d’un blanc pur où atterrissait Dave Bowman, le héros de 2001, au terme de son voyage initiatique (bien sûr, hormis le fait que le décor est ici géantissime…)