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Pour en finir avec l’aspect
uniquement négatif du film, oublions également
la scène de la tempête initiale sur Mars durant
laquelle De Palma a semble-t-il laissé ses créateurs
d’effets spéciaux s’en donner à cœur joie en
dépit de toute logique : pourquoi la première
équipe d’astronautes reste-t-elle désespérément
figée sur place durant de longues minutes en attendant
apparemment d’être happée par un cyclone vivant
(qui, on veut bien le croire, a englouti des sommes colossales…)
digne des vers géants de Dune, tandis que des
pans entiers de rocs s’effondrent autour d’elle ? Notons
enfin que De Palma n’a pas su éviter certains poncifs
impérissables du cinéma à grand spectacle
hollywoodien, à savoir la célébration
patriotique de l’Amérique. Certes, il est bien précisé
que la station orbitale est internationale (ce que viennent
préciser quelques subtiles répliques
prononcées avec un fort accent russe…), mais les deux
équipages qui se succèdent ensuite vers Mars
sont exclusivement américains (planter de bannière
étoilée à l’appui), peut-être parce
que les autres nations s’en moquent éperdument :
plusieurs séquences recèlent en effet un comique
involontaire de premier choix, puisqu’il semble que le personnage
interprété par Armin Mueller Stahl soit la seule
personne qui s’intéresse un tant soit peu à
l’expédition martienne, enfermé dans une chiche
casemate qui détone par rapport aux gigantesques salles
de contrôle bondées de techniciens auxquels les
films de SF nous ont habitués jusque là.
Malgré ce lourd
passif, Mission to Mars n’est pourtant pas le sombre
navet que les festivaliers ont tant décrié (on
sait qu’un passage au Festival de Cannes ne porte guère
à la modération critique…) Soulignons d’abord
que ce film remplit pleinement un des objectifs majeurs de
De Palma, qui consistait à rendre cette expédition
martienne la plus réaliste possible, ce qu’il a accompli
en collaborant étroitement avec les spécialistes
de la NASA qui ont veillé à ce que cette " Mission "
censée se dérouler en 2020 soit conforme aux
prévisions actuelles en matière de voyage spatial
et d’aménagement progressif d’une base martienne. Ce
souci transparaît bien sûr dans un certain nombre
de détails techniques de l’intrigue (en particulier
dans la séquence où une micrométéorite
perce le vaisseau et qui est traitée sur un rythme
chirurgical, en temps réel), mais aussi à travers
le superbe travail de photographie reconstituant la luminosité
particulière de la planète rouge : les
scènes martiennes de Total Recall, réalisé
par Paul Verhoeven, étaient bien moins convaincantes
et impressionnantes que celles de cette nouvelle épopée
spatiale.
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Cette approche réaliste
est toutefois loin de constituer le seul centre d’intérêt
de Mission to Mars (reconnaissons que, si l’on ne s’intéresse
qu’à la seule reconstitution scientifique, L’étoffe
des héros est probablement une référence
plus adaptée). Dans un monde cinématographique
où la digression devient un procédé narratif
prisé des scénaristes et des producteurs, et
où les films à rallonge sont pléthore,
on ne peut qu’être heureusement surpris de la durée
somme toute modeste de ce film à grand spectacle (2
heures). Ainsi, nulle scène vue des dizaines de fois
ne vient encombrer la trame du récit, en particulier
les sempiternelles séquences de décollage des
fusées (adieux aux familles et aux épouses en
larmes, embarquement des astronautes devant une foule en liesse,
comptes à rebours, panache de fumée, etc., etc.)
Ayant fait l’économie de ces scènes obligées,
grâce à un grand nombre d’ellipses similaires,
De Palma peut dès lors se permettre de s’attarder sur
des passages moins convenus pour imprimer sa propre touche
et sa principale contribution au genre. 2001 dépeignait
avant tout un monde où l’humain avait peine à
se manifester, faisant tout juste de la figuration aux côtés
de l’omnipotente technologie représentée par
l’ordinateur HAL, jusqu’à ce qu’un élu
sorte du lot et accomplisse une odyssée solitaire initiatique,
seul au milieu de l’infini, lors d’un voyage vers l’inconnu
retracé au cours d’une séquence psychédélique
soulignée par la musique hypnotique de Ligeti. Dans
Mission to Mars, si l’on remarque que le personnage interprété
par Gary Sinise s’autoproclame élu avant de s’embarquer
pour un monde meilleur, pirouette scénaristique
qui n’est pas du meilleur aloi, cette odyssée est d’abord
et avant tout celle d’une micro-société unie
et toujours soudée, où la technologie n’a qu’une
présence anecdotique : à l’extrême
opposé de Hal, qui pouvait signaler à l’avance
qu’un module quelconque tomberait en panne, l’ordinateur embarqué
à bord du vaisseau qui se dirige vers Mars ne semble
guère plus puissant que celui d’une calculette, puisqu’il
est incapable de détecter d’énormes (et fatals)
impacts de météorites sur des parties vitales
de la navette.
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